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L’INDUS ET LA GANGE

vratrya, rénégats plus dégradés que les Çoudras. L’abjection, michada, n’est point le lot des membres d’une caste inférieure, mais bien la conséquence du mélange des castes, des plus nobles, comme des plus infimes. Il semble puéril de considérer ce caractère d’inaliénabilité comme un produit direct de l’égoïsme brahmanique : en tout temps, en tout lieu, les classes privilégiées ont voulu perpétuer les avantages que l’évolution historique leur accordait momentanément : si les prêtres de l’Inde y ont longtemps réussi, c’est que l’Inde leur offrait des conditions exceptionnelles.

Les descendants de Pandou, lisons-nous dans le Mahabharata, réussirent, avec l’aide de Krichna, à triompher des Kouravas, leurs ennemis, mais au prix de si grands sacrifices que, la victoire obtenue, il ne leur restait ni force ni désir de vivre. On dirait que cette légende raconte les destinées du peuple hindou : il résolut triomphalement son problème historique, puis sembla se désintéresser des choses d’ici-bas pour s’abîmer dans les songes. Ce qui put lui rester de sève, il le dépensa en hautes spéculations métaphysiques ; plusieurs siècles durant, on ne connut de l’Inde que ses six écoles philosophiques[1] réputées orthodoxes, rattachant, par une filiation non interrompue, la démocratie égalitaire du bouddhisme au code brahmanique avec son inexorable division des castes. Comme les abbés voltairiens du

  1. Celles de Kapila, Patandjali, Djaïmini, Vyaça, Gautama, Kanada.