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L’INDUS ET LA GANGE

par l’exaltation de leur évocateur. Pour affirmer que cette conception de la non-réalité des dieux est un trait particulier du « génie aryen », il faudrait connaître l’état mental des autres peuples à la période de leur évolution correspondant à celle des premiers chants du Rig-Veda. La comparaison est impossible, puisque aucune autre nation du globe ne nous a laissé de documents aussi primitifs ; mais cette faculté de créer les dieux, reconnue à l’inspiré par les hymnes les plus anciens, contient en germe, on le voit, le pouvoir exorbitant que les Brahmana et le Manava dharma sastra accorderont plus tard à la caste des prêtres : afin d’expliquer ce qui constitue pour nous l’iniquité suprême de cet ordre de choses, il n’est certes pas besoin de recourir à cette hypothèse, que le génie aryen s’est corrompu au contact des Dacyous jaunes ou noirs.

Il y eut évidemment une époque où les Aryas du Sapta-Sindhou ne connaissaient ni prêtres, ni rituel déterminé, où chaque père de famille invoquait les dieux créés de son souffle au gré de l’inspiration, et leur offrait, aidé de son épouse, les libations et les sacrifices. Chaque tribu avait ses divinités, inconnues ou indifférentes aux tribus voisines. Entre ces tribus, pas de lien fédéral ; l’unité nationale ne reposait que sur la communauté d’origine, de langage, d’institutions familiales et communales, sur l’adoration du foyer (Agni) et de ce soma « qui va du mortier au vase des sacrifices, donne l’ivresse, et avec l’ivresse tous les biens ». Ainsi, le second trait