Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/52

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une bonne et une mauvaise différenciation : d’après lui, « les inégalités naturelles, celles qui proviennent, non des privilèges attachés à telle ou telle naissance, mais des aptitudes propres et des qualités individuelles, s’accusent de plus en plus sous l’action de la concurrence pacifique ; alors vont en s’abaissant les barrières élevées entre les castes pendant que, sous l’influence des croisements répétés et de la sélection sans cesse agissante, on voit s’affaiblir les inégalités artificielles, imposées, conséquence d’une époque de conquête et de spoliation. » Mais distinguer entre le naturel et l’artificiel, entre la bonne et la mauvaise différenciation, me parait bien difficile, et notre auteur lui-même s’y trompe étrangement : jamais lord du Royaume-Uni n’a prétendu posséder ses immenses domaines de par sa vertu personnelle ; tous, au contraire, se targuent de devoir ces richesses à leur filiation plus ou moins directe et authentique des envahisseurs normands ou angevins. Ce sont donc précisément les effets d’une différenciation mauvaise et artificielle, « conséquence d’une époque de conquête et de spoliation », que M. Mougeolle admire en Angleterre. Nous ne saurions lui en vouloir beaucoup, car, en comparant le régime anglais en la différenciation « naturelle », telle que nous la voyons se produire dans les États démocratiques, la France, par exemple, ou les États-Unis de l’Amérique du Nord, il nous faut trop vite reconnaître que la « sélection toujours agissante » des coups de bourse et de la spéculation effrénée