Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/60

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« Le monde berbère[1] nous offre ce spectacle singulier d’un ordre social très réel, maintenu sans une ombre de gouvernement distinct du peuple lui-même. C’est l’idéal de la démocratie, le gouvernement direct, tel que l’ont rêvé nos utopistes… Rien de plus éloigné de l’avilissant despotisme de l’Orient, de ce culte de la force considérée comme manifestation de la volonté divine… La forme monarchique est, dans cette race, une rare exception et, quand on la rencontre, on peut être sûr que la population qui la subit n’est pas constituée d’une manière normale.

« Cette organisation politique si simple repose sur un esprit de solidarité qui dépasse tout ce qu’on a pu constater jusqu’ici dans une société vivante ou ayant vécu. Les institutions d’assistance mutuelle sont, dans la société kabyle, poussées à un point qui nous étonne ; la coutume renferme des dispositions pénales contre ceux qui voudraient se soustraire aux obligations de ce que nous appellerions la charité et la générosité. Le pauvre est nourri, en partie, par la communauté… Si un particulier veut tuer une bête, il est tenu d’en aviser l’amin, afin que les malades et les femmes enceintes puissent se procurer de la viande. L’étranger, dès qu’il entre dans le village, à sa part dans le bien commun[2] ».

  1. « La société berbère », Revue des Deux Mondes, 1873.
  2. Nous trouvons un touchant exemple de la bienveillance des Kabyles, dans les Croquis algériens de M. Ch. Jourdan.