Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mépris de la guerre jusqu’à ne plus savoir se défendre : tels sont les Chinois ; telle a été la Venise des doges.

Certes, les exemples sont assez nombreux où les origines du despotisme peuvent être rattachées à une guerre de conquête. Mais, pour peu que l’œuvre fondée par le glaive présente quelque durée, on en vient à se demander si le militarisme n’est pas une cause d’asservissement plus apparente que réelle. Tous les empires édifiés exclusivement sur les victoires et la violence n’ont eu qu’une existence éphémère et n’ont jamais été despotiques dans le vrai sens du mot. Les chefs mongols, conquérants de la Chine, se sont, à grande hâte, nationalisés chinois en adoptant les lois, les mœurs, la langue même des vaincus. Les Turcs, qui s’abattirent comme des bêtes de proie sur les civilisations expirantes de Byzance et du Khalifat, détruisaient, rançonnaient, égorgeaient, mais ils n’ont réussi, en somme, qu’à établir un despotisme tout à fait superficiel, daignant à peine se mêler de l’administration des peuples conquis. En Égypte, la situation des fellah a été tolérable jusqu’à Méhémet-Ali, qui, oublieux des traditions tartares et turkmènes, a voulu se poser en restaurateur de la civilisation pharaonique.

Nous avons vu que, dans la nature, c’est-à-dire dans la série biologique, la liberté peut servir de mesure au progrès du lien social. Si l’histoire a l’unique tâche de montrer, sous des vêtements nou-