Page:Melvil - À Calderon, 1881.djvu/9

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Ton drame, large, immense, aux contrastes sans nombre,
Qui palpite, et se rit des siècles orgueilleux,
Où se révèle un âge enseveli dans l’ombre
Où revit tout un monde étrange et merveilleux ;

Ton drame, où du tombeau surgit la vieille Espagne,
Avec ses blanches tours et ses donjons massifs,
Ses amants et ses rois errant dans la campagne,
Ses dames s’endormant sous les arbres pensifs,

Ses passages obscurs, où dans les nuits fiévreuses
Les galants cavaliers rôdent à pas de loups
Sous les balcons de fer des belles amoureuses,
Qu’espionnent de loin les hidalgos jaloux ;

Ses buveurs, ses bouffons dignes des épopées,
Ses bandits adorant chaque croix du chemin,
Ses nocturnes combats où grincent les épées,
Ses moines s’avançant le rosaire à la main ;

L’Espagne du passé, vénérable, héroïque,
Avec son peuple fier au vieux sol attaché,
Et son vieux point d’honneur formidable et stoïque,
Qui veut que l’homme meure avant d’être taché.

L’honneur ! le mot sacré devant qui tout s’efface,
Le lien éternel et la suprême loi,
Le trésor trois fois saint qu’on vénère, et qui passe
Toujours avant l’amour, peut-être avant la foi !

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