Page:Mendès - La Légende du Parnasse contemporain, 1884.djvu/34

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beaucoup moins qu’on ne suppose, sans lui, qui est général et éternel, aucune œuvre ne subsiste éternellement.

Cette loi, Alfred de Musset eut, à notre sens, le tort de la méconnaître. Ce sont ici des opinions personnelles et que nous ne prétendons imposer à personne. Qui donc jamais naquit plus brillamment doué que l’auteur des Contes d’Espagne et d’Italie ? La passion, la mélancolie, le rire, il avait tout cela, ce jeune homme, ce jeune dieu. Et une belle éclosion vivace d’idées hardies et de rares images lui fleurissaient l’esprit. Mais par paresse peut-être, ou par dandysme, il secoua le joug pesant du devoir poétique, railla la forme, bafoua la rime, nargua la syntaxe, ne se soucia guère de la propriété des termes, prenant pour une audace de bon goût ce qui n’était qu’une rébellion criminelle. Relisez-le maintenant, ce poète toujours adorable. Certainement elle n’est pas morte, sa verve passionnée ; on se laisse emporter par ses élans, on se sent le cœur serré de ses angoisses, on rit son rire, on pleure ses larmes. Mais combien de fois les délices de l’émotion communiquée sont interrompues par quelque négligence de