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LES AMAZONES DE LA COMMUNE.

destruction de Paris par Paris, de la France par la France.

XLI.

Ce n’était pas assez des hommes troués par les balles ou déchiquetés par la mitraille. Un étrange enthousiasme saisit les femmes à leur tour, et voici qu’elles tombent aussi sur le champ de bataille, victimes d’un exécrable héroïsme. Quels sont ces êtres extraordinaires, qui abandonnent pour le chassepot le balai de la ménagère et l’aiguille de l’ouvrière ; qui quittent leurs enfants pour se faire tuer à côté de leurs amants ou de leurs maris ? Amazones-voyous, magnifiques et abjectes, elles tiennent de Penthésilée et de Théroigne de Méricourt. On les voit passer, cantinières, parmi ceux qui vont au combat ; les hommes sont furieux, elles sont féroces, rien ne les émeut, rien ne les décourage. À Neuilly, une vivandière, blessée à la tête, va faire panser sa blessure et revient prendre son poste de combat. Une autre, du 61e bataillon, se vante d’avoir tué plusieurs gendarmes et trois gardiens de la paix. Au plateau de Châtillon, une femme, restée avec un groupe de gardes nationaux, charge son fusil, tire et recharge sans jamais s’interrompre ; elle se retire la dernière, se retournant à chaque instant pour faire le coup de feu. La cantinière du 68e bataillon tombe tu par un éclat d’obus qui lui brise son bidon et lui en fait entrer les morceaux dans le ventre. Après l’engagement du 3 avril, on apporte neuf cadavres à la mairie de Vau-