Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, 1871.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

144
LA PRESSE INDÉPENDANTE.

ni d’être changé. La proclamation même du redoutable Cluseret, qui nous menace tous du service actif dans les compagnies de marche, n’a pas réussi à troubler la quiétude indifférente du plus grand nombre des Parisiens. Ils assistent à ce qui se passe comme à un spectacle auquel on ne prend intérêt que juste assez pour se divertir. Le soir, la canonnade redouble, et, en prêtant l’oreille avec quelque persistance, on peut distinctement entendre des feux de peloton ; Paris prend son bock au café de Madrid ou au café Riche. Quelquefois, vers minuit, lorsque le ciel est clair, il va aux Champs-Élysées, pour voir les choses de plus près ; il se promène sous les arbres, il fume un cigare, il dit : « Ah ! voilà les mitrailleuses ! » Il compare le bruit de la bataille d’aujourd’hui au bruit de la bataille d’hier. En se promenant ainsi non loin des obus, Paris s’expose volontairement à de graves dangers, mais, s’il est indifférent, Paris n’est pas lâche. Puis il va se coucher, il lit les journaux du soir. Il se demande en bâillant : « Comment diable cela va-t-il finir ? Par la conciliation ? Par les Prussiens peut-être ? » et il s’endort ; et, le lendemain il se lèvera, frais et gaillard, et s’en ira à ses affaires ou à ses plaisirs, absolument comme si Napoléon III était encore empereur des Français par la grâce de Dieu et par la volonté nationale.

XLVI.

Une note du Journal officiel de Versailles vient d’indigner à juste titre a plupart des journalistes pari-