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LA CHASSE AUX RÉFRACTAIRES.

LXXXII.

Je sortais de chez moi, naïvement, comme un homme qui ne vient pas de commettre un crime dans sa maison. Il faisait un beau soleil, la rue était gaie de cette gaieté que les choses savent garder dans les belles journées, même quand les hommes sont tristes. Je suivis, selon ma coutume, la rue Geoffroy-Marie et la rue Grange-Batelière, puis j’entrai dans la rue Drouot. Je demande pardon de ces détails inutiles, mais je tiens à spécifier l’itinéraire de ma promenade pour que les habitants des rues en question puissent certifier que je n’ai volé en passant aucun pain de quatre livres ni enfoncé la vitrine d’aucune boutique de changeur. J’allais me trouver sur le boulevard, quand un des quatre gardes nationaux qui étaient de faction, je ne sais pourquoi, au coin de la rue, me dit : « On ne passe pas ! »

Fort bien, pensai-je. Y a-t-il quelque chose de nouveau ? Non, c’est tout simplement que la Commune ne veut pas que l’on passe ; elle a bien raison. Revenons sur nos pas.

— On ne passe pas, me dit un autre garde national, dès que j’eus fait mine de m’en retourner.

Ceci était singulier ! La Commune ne pouvait pourtant pas exiger que je bornasse ma promenade à de mélancoliques allées et venues d’un trottoir à l’autre. Un sergent s’approcha ; je le connaissais, c’était un Espagnol qui, durant le siége, faisait partie de ma compagnie.