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CHUTE DE LA COLONNE VENDÔME.

Les uns parlaient de cet Anglais qui avait payé trois mille francs le plaisir de monter le dernier au sommet de la Colonne. Presque tous le blâmaient ; on aurait dû donner cette somme au peuple. D’autres prétendaient que le citoyen Jourde ne rentrerait pas dans ses déboursés — (trente deux mille francs, que l’ingénieur Abadie avait demandés pour abattre le grand trophée) — et on alléguait que le plâtre et la pierre était à peine recouverts d’un ou deux pouces de bronze, ce qui, sur 44 mètres de haut, ne représentait pas beaucoup de gros sous. La monnaie préoccupait les esprits. Mais la crainte principale de la secousse dominait dans les entretiens.

La chose, cependant, tardait beaucoup à s’accomplir. La grande place était presque solitaire ; il y avait trois cents personnes au plus, toutes privilégiées de cartes, ou revêtues de cordons maçonniques, ou faisant partie des états-majors. Bergeret, à une fenêtre, secouait négligemment du petit doigt les cendres de sa cigarette ; les musiques attendaient, massées aux quatre angles de la place ; des femmes rectifiaient le tir de leurs lorgnettes, et riaient aux éclats, dans les embrasures des fenêtres du ministère de la justice. Les sentinelles, impatientes, piaffaient ; les faisceaux de fusils étincelaient : des enfants bâillaient le long des trottoirs. La cérémonie était en retard : un câble d’épreuve s’était rompu. Autour du tas de fascines où devait s’étendre la statue, étaient plantés des drapeaux couleur de vengeance. Si le roi

Dans la foule, il y avait des malheureux qui frappaient du pied en mesure et en criant : « Des lampions ! »

À cinq heures et demie, il y eut des mouvements au-