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LA NUIT.

encombrés de badauds, sont vides ; il n’y a plus un seul café ouvert.

À ce moment, il suffirait d’un coup de fusil tiré par mégarde, — le fait s’est produit deux ou trois fois depuis le matin ; au coin de la rue Saint-Marc, une femme accoudée à la fenêtre a failli être tuée par un maladroit ; — il suffirait même d’un cri inopportun, d’un geste de menace, pour que la bataille éclatât. Personne ne bouge ni ne parle, un qui vive silencieux ; je me sens frémir devant la possibilité d’un irréparable désastre. Ce moment a été, je l’affirme, terrible et solennel.

Mais le bataillon de Belleville continue son chemin en présentant les armes le premier ; nous lui rendons les mêmes honneurs. Il passe, le danger s’éloigne avec lui, un soupir de soulagement sort de toutes les poitrines ; deux secondes plus tard, il y avait foule sur les boulevards.

XII.

Il est deux heures du matin. M’ennuyant de la longueur des heures, j’écris ces quelques lignes assis sur le seuil d’une porte, en face du restaurant Gatelain, à la lueur d’un réverbère.

Dus la nuit tombante, on a pris des précautions. Qui nous commande ? Noue ne savons pas au juste, mais il nous semble qu’il y a un plan de défense sérieux et exécuté avec prudence. Est-ce l’amiral Saisset qui est à notre tête ? On l’espère. Les Parisiens, si souvent trom-