Page:Mendès - Les 73 journées de la Commune, 1871.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

72
FAUT-IL PARTIR ?

— On me juge ce soir ! Mais, en réalité, ce n’est pas la mort que je redoute surtout.

— Bah !

— Non. Je crains pis encore. Ces hommes de l’Hôtel de Ville sont des enragés. On assure qu’ils vont décréter le divorce. Je connais le mari de Clémentine, mon ami ! Il serait capable de me forcer à épouser sa femme !

D’autres ont d’autres prétextes. Presque tous partent. Moi, Parisien endurci, je demeure ; la semelle de mes bottes est collée à l’asphalte du boulevard. Ont-ils raison ? Ai-je tort ? Y a-t-il réellement du danger à Paris pour tout homme qui ne s’est pas ardemment affilié à la Commune ? Je ne le crois pas. Il y a eu des perquisitions armées, des arrestations et d’autres actes illégaux, coupables.

Mais cet état de choses durera-t-il ? Ne peut-on pas espérer que l’élément brouillon de la Commune — les élections ont été faites si vite, presque au hasard — sera bientôt mis hors d’état de nuire par la portion intelligente et sérieuse — s’il y en a une — du conseil municipal ? Je veux croire encore qu’une révolution accomplie par un tiers du peuple de Paris, et tolérée par un autre tiers — le troisième tiers a pris le train — est appelée à émettre quelque idée vraiment utile et généreuse, et ne se bornera pas à des caisses mises sous scellés et à des innocents mis sous les verrous. D’ailleurs, quand même la Commune — loin de chercher à faire oublier les circonstances sanglantes qui ont précédé son établissement, loin de chercher à réparer les fautes graves dont elle s’est rendue elle-même coupable — se livrerait à de nouveaux excès et rapprocherait encore de sa perte