Page:Mendès - Poésies, t2, 1892.djvu/34

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« Sur l’herbe fraîche où l’eau glisse et bruit sans fin,
« Il se partageront les pains de miel et d’orge ;
« Comme un bœuf ruminant le vide dans sa gorge,
« Moi, je boirai ma soif et mangerai ma faim !

« Et si, lasse, et n’ayant que le sable pour couche,
« Je défaille en mordant le vent dans un long cri,
« Mon fils, rampant vers moi, mon fils, hâve et maigri,
« D’un baiser affamé menacera ma bouche !

« O centenaire chef des errantes tribus !
« Puisque dans la famine et les deuils tu m’exiles,
« Moi qui, belle, et courbant mes pudeurs indociles,
« Toujours te fis plaisir autant que je le pus,

« Tremble en ton double espoir, ancêtre des deux races !
« Car la haine va naître et jamais ne mourra
« Entre les fils d’Agar — et les fils de Sara
« Vil bétail lourd de graisse en proie aux loups voraces !