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AMA

ment de son avis. « Si j’osais ajouter quelque chose à ce que vous avez si bien développé, poursuit-il, je dirais que, puisque M. Grandeau en appelle aux Dictionnaires et à l’Académie, sa femme Amateur est un vrai barbarisme, dont il ne trouvera la justification nulle part. L’usage a donné les deux sexes au mot Auteur ; mais il n’a pas fait encore la même faveur à l’autre. Si c’est blesser la langue que de dire d’une dame sensible à la beauté des arts, qu’elle est Amatrice, l’appeler femme Amateur, c’est blesser à la fois la langue et l’oreille. »

« S’il m’était permis de jouter avec un homme qui se met de si mauvaise humeur quand on n’est pas de son avis, et qui veut que la règle soit de penser comme lui, je prendrais la liberté de lui remontrer qu’il n’a pas une idée juste de la signification des mots qu’il emploie. Par exemple, il me reproche du néologisme. Quand, en effet, Jean-Jacques et moi nous aurions tort ici, le reproche serait injuste, et l’épithète mal appliquée : ce n’est pas l’usage hasardé en passant, même d’un mot nouveau, qui suffit pour fonder l’accusation de néologisme. Corneille a pris souvent cette licence, à la vérité sans succès : son invaincu, et bien d’autres mots qui manquent à notre langue, et qui n’auraient pas pu avoir un père plus illustre, ont été rejetés par un caprice de l’usage ; mais en ne les adoptant pas, on n’a pas fait à Corneille le