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rues. À côté d’un armurier qui n’offre que des cuirasses & des épées, vous ne voyez que des touffes de gaze, des plumes, des rubans, des fleurs & des bonnets de femmes.

Ces filles enchaînées au comptoir, l’aiguille à la main, jettent incessamment l’œil dans la rue. Aucun passant ne leur échappe. La place du comptoir, voisine de la rue, est toujours recherchée comme la plus favorable, parce que les brigades d’hommes qui passent, offrent toujours le coup-d’œil d’un hommage.

La fille se réjouit de tous les regards qu’on lui lance, & s’imagine voir autant d’amans. La multitude des passans varie & augmente son plaisir & sa curiosité. Ainsi ce métier sédentaire devient supportable, quand il s’y joint l’agrément de voir & d’être vue ; mais la plus jolie du comptoir devroit occuper constamment la place favorable.

On apperçoit dans ces boutiques des minois charmans à côté de laides figures. L’idée d’un serrail saisit involontairement l’imagination ; les unes seroient au rang des sultanes