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REVUE DE LA QUINZAINE 3o5 HISTOIRE Pierre Vialles : UArchichancelier Cambacérès ; Perrin, 5 fr. — Paul Gautier : Mathieu, de Montmorency et Mmo de Staël; Pion, 3 fr. 5o. — Hector Fleisch- mann :-Les Filles publiques sous la Terreur ; Méricant; 3 fr.5o. — Albert Savine : L’Assassinat de la Duchesse de Praslin ; Louis-Michaud, i fr, 5o. — Memento. L’Archichancelier Gambacérès, par Pierre Vialles. — Après l ’architrésorier Lebrun, objet d’ un récent ouvrage, voici l’ar- chichancelier Gambacérès. M. Albert Sorel, dans sa grande histoire, se complaît à lui décerner, en toute occasion, le qualificatif ironique­ ment flatteur de « considérable ». « Homme considérable. » Dans le personnel impérial, dans l ’apparat impérial, il est le figuran t « considérable » ! Le tableau du Sacre, de David, lè montre campé en sa massive importance auprès du profil futé de T alleyran d. Il est là, dans « l ’empesure », comme disait Bonaparte, dans l’empe- sure des grands jours, et chez lui de tous lesjours, en toque et man­ teau à la Henri IV, en culotte courte découvrant de m agnifiques mollets. Ce sens de l ’apparat, du costume, était d’ailleurs, chez lui, un legs de son éducation parlementaire. « Ces hommes extraordi­ naires », dit-il des anciens magistrats, « se levaient à quatre heures du matin, revêtaient la robe q u ’ils ne quittaient plus que pour se coucher... Cette existence austère et solennelle’, ce frein imposé par le costume de la magistrature formaient un sacerdoce réel... ». Ce sont ces impressions qui ont dominé et fait sa vie, — nous voulons dire, par le sens du décorum qu’elles y mirent. Ajoutez-y la pru­ dence et l’égoïsme presque m aladifs d’ un faible. Jeté dans la Révolution, tant par l’esprit devenu si frondeur de la Robe, de cette Robe où les siens s ’étaient succédé depuis plusieurs générations, que par la disgrâce et la pauvreté qu’une inimitié puis­ sante avait attirées sur sa famille (le père du futur archichancelier, Antoine Cambacérès, conseiller à la C ou r des aides de Montpellier et maire de cette ville, n ’ avait pas su vivre en bons termes avec l ’inten­ dant Saint-Priest), il y resta un homme de robe, et un homme de robe décoratif, sagace avec cela, réservé, laborieux, type du méridio­ nal froid; et, de l’état juridique, ajusté avec adresse et mesure aux nouvelles mœurs politiques, il se fit un domaine à lui, un fort inex­ pugnable où les orages révolutionnaires ne purent l’atteindre. Toute cette partie de sa vie, toute cette partie qui n ’ est pas médiocre, était particulièrement curieuse à étudier, et M. Pierre Vialles a donné tous ses soins à cette étude. Envoyé, en 1792, à la Convention par les électeurs de l ’Hérault, où il exerçait alors les .fonctions de président du tribunal criminel, Jean-Jacques-Régis Cambacérès eut le bon sens de comprendre q u ’il devait se laisser en quelque sorte porter par sa forte éducation parle­ mentaire, laquelle, en effet, le porta d’autant mieux qu’ un caractère 20