Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/56

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MERCVRE DE FRANCE— 16-X1-1908 facturière. L’Angleterre n’est devenue impérialiste, avec Cham­ berlain, que du jo u r où ellea senti sa prépondérance métallur­ gique et textile menacée par la production germanique; et c’ est contre l ’AHemagne, qu’ entraînée par les doctrines expansionnistes, elle s’ est d’abord tournée. — Et la politique mondiale de Guillaume II, qui a désigné rabaissement de l’Angleterre comme objectif essentiel à l’action allemande, était au premier chef une politique d’ intérêts, le soqci du pres­ tige n’intervenant qu’ ensuite et parce qu’ il se liait étroitement à l’autre préoccupation. Les impérialistes de Londres, comme ceux de Berlin, s’i ­ maginent que leur pays sera infailliblement voué au recul, à la déchéance, à ladétresse, s’ilnetrio m phedu pays concurrent. Ils se recrutent spécialement dans cette classe de marchands qui, un peu partout aujourd’hui, est arrivée au pouvoir et qui règle les destinées des nations. Les unionistes d’Angleterre, comme les libéraux ou radicaux expansionnistes qui suivent actuellement M. Asquith, sont issus de cette catégorie moyenne qui ne rêve plus que débouchés ouverts et clientèles nouvelles. Et les nationaux-libéraux et les libéraux démocrates d’Alle­ magne, associés dans le bloc de M. de Bülow, les propriétaires et les rédacteurs de la Gazette de Voss, de la National Zei- tunff et autres organes de périodique excitation ne sont que les mandataires des industriels de la Prusse Rhénane ou de la W estphalie,— affamés d’affaires, avides de marchés, impa­ tients de toute concurrence. Ainsi, deux bourgeoisies impérialistes sont entrées en con­ flit, qui depuis longtemps déjà auraient soufflé la guerre, si certaines considérations ne les avaient retenues d’ autre part. L ’ une et l ’autre se haïssent, avec toute l ’exaspération de deux boutiquiers placés côte à côte, et qui se disputent un m,ême quartier. L ’ une et l’ autre se sont dotées de cette conviction ab­ surde et surannée que la ruine de la rivale est indispensable et que lacondition présente ne saurait durer. Les commerçants allemands jettent un regard envieux sur les colonies britanni­ que, où ils pourraient récolter des milliards, tandis que les armateurs de Liverpool, de Londres, de Hull et de partout, considèrent d’ un œil haineux le développement des flottes de Hambourg, de Lübeck, de Stettin, deBrême, qui leurdérobent