Page:Mercure de France, t. 76, n° 274, 16 novembre 1908.djvu/94

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MERCVRE DE FRANCE— 16-21-1908 fondront dans une langue nouvelle plus complète et^mieux adaptée à la vie de l’humanité, comme se sont fondus, dans le français, le provençal, le languedocien, le breton et le bas­ que, c’est un problème que je ne veux point discuter, n’ ayant point d’éléments pour le résoudre, alors surtout que, si l’hy- poth’èse de la fusion doit se réaliser, elle est assez lointaine, pour ne pas nous intéresser actuellement. Au fond, ce qui tient au cœur de M. Novicow, ce ne sont pas les nations : ce sont les langues et les races. Or, les nations existantes ont prouvé qu’ aucune raison de race ou de langue ne s ’oppose à l’agrandissement des patries, dont le résultat doit être l’impossibilité des guerres et la fraternité humaine au sein d’une société d’où les différences de classes auront disparu. J’ ai écrit que nos patries sont trop grandes et trop petites à la fois. Trop grandes, en ce sens qu’ elles compriment trop les groupements intermédiaires, trop petites en ce sens qu’ elles s’ opposent au groupement fédéral de tout le genre humain. Rien de tout ceci n’est détruit par le raisonnement de M. Novicow. La vérité, au contraire, est que nous sommes d’ accord, et que la seule divergence entre nous est une diver­ gence de dictionnaire. Nous ne nous entendons pas sur les mots ; une fois les mots définis, l ’entente est faite. Au fond, ce que j ’entrevois, c’ est un état de choses tel que chacun jouisse intégralement du produit de son travail sans qu’aucun homme puisse être exploité par un autre homme. Et c’est une fédération de groupes ethniques, territoriaux, professionnels, moraux, philosophiques tellement enchevê­ trés que le genre humain constitue une merveilleuse unité dans une diversité infinie, unité à laquelle pourra alors véri­ tablement s’ appliquer l’admirable devise des Etats-Unis : E pluribus unum. Je crois en outre que la société qui résultera de cette har­ monie nationale— ou dont cette harmonie nationale résultera, selon que la transformation sociale aura précédé la transfor­ mation politique ou l ’aura suivie — sera une société commu­ niste. M. Novicow,si j ’en juge par d’autres ouvrages de lui, n’est pas de cet avis. Mais cette question-là n’ est point celle qui se trouve actuellement en discussion entre nous; et, sur cette