Page:Mercure de France, t. 77, n° 278, 16 janvier 1909.djvu/131

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RKVUK DK LA QUINZAINE dix enfants ne recevrait pas 180 fr. mais 36o fr. (soit 720 pour un vieux couple). En prenant une famille normale de6 enfants,vivants ou morts, cela ferait 355 fr. pour les vieux parents; la somme est encore agréable et la charge pour l ’Etat serait loin d ’atteindre le demi-mil- liarddu projet Guyesse; peut-être n’irait-eile pas seulement à 5omil­ lions; le calcul serait facile à établir, je livre l’idée aux actuaires. La question que se pose M. Ch. Lescœur, professeur à la faculté libre de droit de Paris: Pourquoi et commenton fraudele fisc f est intéressante, mais plus encore celle de savoir si on a le droit defrauder. Ce droit, je ne vois pas comment les partisans du Con­ trai social le dénieruient aux contribuables qui désapprouvent un article de dépenses du budget; même en laissant de côté toute idéo­ logie,la simple constatation que, dans la réalité, les impôts sont votés par ceux qui ne les paient pas et payés par ceux qui ne les votent pas a de quoi faire réfléchir. Assurément, il serait plus franc, plus patriotique, plus honnête de ne jam ais tricher, pas plus d’ailleurs pour le chiffre des naissances que pour l’intégralité des taxes, m ais... Dans tous les cas, il est bien difficile d’arguer d’immoralité ceux qui n’acquittent une part de leurs contributions que contraints et forcés, d’où cette conclusion, à première vue paradoxale, que le devoir des Etat eu matière d’impôts est de ne faire appel qu’à la contrainte, sans jamais recourir aux « dons gratuits», comme sous l’Ancien ré­ gim e, ni aux « déclarations volontaires », comme aujourd’hui. Legros reproche qu’en peut faire au futur impôt sur le revenu (projet Cail- lau x ) c’est de mettre le contribuable, à qui on déférera le serment, entre la compression et le monsonge, ce qui arrivera à faire payer les loyaux pour ceux qui ne le sont pas, poussera tout le mondeAl’in­ quisition et & la délation, et ne donnera nullement la certitude quu les boyards n’échapperont pas. C ’est fâcheux. Ces « évadés » ne seront, il est vrai, que la minorité; dans l’iutermiuable duel du canon et de la cuirasse que se livrent le fisc et le public, c ’est comme tou­ jou rs l’attaque qui finit par avoir le dessus et actuellement, il n ’y a que le revenu des valeurs étrangères, soit tout au plus le vingtième ou vingt-cinquième des revenus totaux du pays, qui ait la possibi­ lité d’échapper à l’impôt, mais c’est grâce à des précautions que s e u ls les riches peuvent prendre. La cupidité de l ’Etat arrive donc ainsi à créer un privilège à rebours contre les demi-pauvres, de même d’ailleurs que contre toutes les entreprises nationales, puisque ce u x qui ont des capitaux disponibles, au lieu de les mettre en des oeuvres françaises sur lesquelles le percepteur se précipitera, sont in cités à les appliquer à des travaux étrangers, plus à l’abri. Consé­ quen ce admirable : l’essor de tant d’industries russes, allemandes, e t c . , faisant concurrence aux nôtres,est le contre-coup do l’aveugle­ m ent fiscal de nos gouvernants.