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Page:Mercure de France - 1761-07.djvu/109

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coupable, on faiſoit périr mille innocens.

Je parle ſelon l’exacte vérité ; le ſang étoit répandu comme l’eau ; un meurtre étoit bientôt ſuivi d’un nouveau meurtre. Le Vainqueur ſe voyoit obligé de préter le flanc à de nouveaux aggreſſeurs : ſemblable à ces athlètes, où celui qui quittoit la lice, donnoit ſon flambeau à ſon ſucceſſeur[1], le fils prenoit la place du père bleſſé ; le frère ſuccédoit au frère vaincu ; le parent ſouffroit pour le parent déjà mort[2] ; la trace du ſang de l’un n’étoit effacée que par les flots de celui de l’autre ; & rarement une victime ſuffiſoît pour éteindre une querelle.

Ombres plaintives de nos athlètes, & vous mânes ſacrés des plus généreux défenſeurs de l’État, ceſſez d’environner le trône, de reclamer en votre faveur l’autorité de nos Rois & la rigueur de leurs Édits ! La fureur du duel eſt montée à ſon comble ; le mal eſt ſans reméde ; les loix ne peuvent qu’envenimer la plaie bien loin de la guérir.

  1. C’étoit une course qui ſe faiſoit à Athènes trois fois chaque année, & qu’on nommoit la Course aux flambeaux, parce qu’on couroit avec un flambeau allumé à la main. Plutarque. Ariſtoph.
  2. On ne pouvoit demander le combat que pour ſoi ou pour quelqu’un de ſon lignage, Desfontaines, ch. 22. art. 4.