Page:Mercure de France - 1816 - Tome 68.djvu/114

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pensent. Mme Elton se mêle, sans qu’on l’en prie, d’être la protectrice de Jeanne, et sa protection est une persécution. Une explication a lieu entre Emma et Knightley, à qui elle dit très-clairement qu’il pense à épouser Jeanne ; la grandeur de votre admiration pour elle, vous prendra peut-être par surprise un jour ou l’autre. — D’autres ont déjà pris l’avance pour me le dire… Cela n’arrivera cependant jamais . L’arrivée de l’élégante Mme Elton est marquée par des fêtes et de grands repas, où elle se montre aussi orgueilleuse que bavarde. Franck a été obligé de repartir précipitamment ; Mme Churchill est malade, et ce départ a rompu le grand bal que M. et Mme Weston devaient donner à la brillante société du pays ; le choix à faire pour les invitations est l’objet d’une foule de commérages dont nos petites villes fournissent passablement d’exemples, et dont on pourrait aussi accuser toutes les cotteries des grandes.

Quand Emma n’aurait pas de secrets mécontentemens contre Elton, qui ne perd aucune occasion, ainsi que sa femme, d’humilier Henriette, cette chère protégée dont le cœur souffre toujours malgré les efforts continuels qu’elle fait pour oublier le méprisant Elton, les ridicules de sa digne épouse, ses hautes prétentions mettraient un grand froid entre Emma et elle ; aussi cet instinct malicieux dont les femmes ne me paraissent pas dépourvues en Angleterre, fait-il que Mme Elton redouble sa très-tourmentante protection pour Jeanne Fairfax, qu’elle voit à peu près délaissée. Mme Elton veut donc absolument que Jeanne se place dans une maison pour y élever de jeunes personnes. C’est la route que Jeanne s’est proposée de suivre ; mais non dans le moment même ; elle désire attendre le retour de la famille Campbell et la consulter sur le choix qu’elle doit faire. Cet arrangement déplaît extrêmement à Mme Elton, qui malgré le refus de Jeanne n’en poursuit pas moins son projet. Tout-à-coup une lettre de Franck annonce que Mme Churchill arrivera à Londres sous peu de jours ; elle espère que l’air y sera meilleur pour elle qu’à Enscombe. Ce caprice est heureux pour lui ; car du moins il ne sera qu’à 17 milles de la maison paternelle.