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l’œuf de cristal

de passion et à un point de vue pratique, sous la présidence de la belle-fille. Le dîner fut malheureux et finalement la discussion se changea en une pénible scène. M. Cave se laissa aller à une exaspération apparemment extrême, et il sortit en faisant violemment claquer la porte. Le reste de la famille, l’ayant dénigré et malmené avec une liberté que son absence garantissait, se mit à chercher de la cave au grenier, dans l’espoir de découvrir la cachette du cristal.

Le jour suivant, les deux clients revinrent. Ils furent reçus par Madame Cave presque en larmes. Elle insinua que personne ne pouvait imaginer tout ce qu’elle avait eu à supporter de la part de M. Cave aux divers moments de son pèlerinage matrimonial… Elle fit aussi un récit fantaisiste de la disparition de l’œuf de cristal. Le clergyman et l’Oriental se regardèrent et déclarèrent que c’était vraiment extraordinaire ; mais comme Madame Cave semblait disposée à leur narrer l’histoire détaillée de sa vie, ils firent mine de s’en aller. Là-dessus, se cramponnant encore à quelque espoir, Madame Cave demanda l’adresse du clergyman, afin que, si elle pouvait tirer quelque chose de M. Cave, elle pût le leur communiquer. L’adresse fut effectivement donnée, mais probablement aussitôt égarée : Madame Cave n’ayant pu, par la suite, se souvenir de rien à ce sujet.

Le soir de ce même jour, la famille parut être enfin au bout de ses émotions, et M. Cave, après avoir été absent l’après-midi, soupa en un morne isolement qui lui fut un agréable contraste avec les violentes controverses des jours précédents. Pendant quelque temps, les relations furent assez tendues entre les membres de la famille Cave. Mais