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LE POUVOIR RELIGIEUX AU THIBET


LE POUVOIR RELIGIEUX
AU THIBET
SES ORIGINES



Tandis que se déroulent les bruyantes péripéties de la guerre russo-japonaise, le monde asiatique est le théâtre d’une action plus silencieuse, mais non moins émouvante, capable d’exercer une influence considérable sur ses destinées. La mission britannique est entrée à Lhassa ; le Dalaï-lama, le dieu vivant, n’a pas trouvé de sortilèges assez puissants pour foudroyer les étrangers téméraires, aux portes, jusqu’ici inviolées, de la ville sainte. Il fuit devant les sacrilèges… l’idole vénérée par plusieurs millions de fidèles n’est plus qu’un pauvre souverain sans défense devant les armes perfectionnées des soldats occidentaux… le miracle attendu, escompté par la foi ardente de tout un peuple, ne s’est pas produit. Il y a là un fait dont la portée peut être immense et préparer un véritable bouleversement moral parmi la majeure partie des populations de l’Asie centrale.

On ne se doute guère, en Europe, de l’attraction extraordinaire qu’exerce, sur d’immenses populations, ce Thibet que les Occidentaux considèrent volontiers comme un état barbare dénué de toute importance. Cependant, de Peschaver, de Srinagar, de Darjeeling, de tous les points de l’Inde où l’on peut entrevoir, à des distances infinies, les cimes éclatantes de l’Himalaya, des hommes de toutes races, de toutes sectes se prosternent devant elles, saluant l’inaccessible Mérou des cosmogonies orientales, pivot de la terre et paradis d’Indra. Des rives de l’Amour, des bords du Baïkal, des confins du steppe tartare, des pèlerins partent et cheminent vers le