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LETTRES DU PRINCE DE METTERNICH

Mon amie, il y a dans mon essence un tel éloignement pour les Barbares et pour tout ce qui mérite ce nom, que c’est dans cette combinaison que je puis seulement trouver l’explication de ce phénomène : ce qui me fait du mal à Naples, c’est tout juste ce qui y porte l’empreinte du vandalisme, et il serait facile de composer une longue liste de ces objets. Les maisons de Naples me désolent. J’aime mieux les architectes de quelque coin en Bohême que ceux d’ici et des maisons bâties ainsi qu’elles le sont toutes ici — à vingt heures de marche de Rome !

Tu me parles de ta promenade à Richmond et de ta campagne. Mon amie, je voudrais avoir été dans le premier de ces lieux avec toi, et rester avec toi dans le second. Je crois, mon amie, que nous eussions été plus heureux l’un et l’autre que toi à Richmond et moi sur le Quirinal. Richmond est, au reste, l’un des plus jolis points de la terre. J’y ai fait vingt parties dans ma vie, et toujours avec une égale satisfaction.

Il y a eu ce soir une espèce de bal chez Mme Bées, Anglaise. Il est ici des noms que la bonne compagnie ne connaît pas à Londres, et qui dépensent leur ambition en routs (1) et plaisirs de ce genre. Comme ce n’est pas le mien, je ne reste jamais qu’une demi-heure au milieu de tant de faux luxe et de véritable ennui. Saint-Charles (2) est fermé pour notre malheur. Il n’ouvrira que le 9, vu la double neuvaine de saint Janvier (3). Je verrai alors quelques bons opéras que

(1) Rout, s. m, (on fait sentir le t, quelques-uns prononcent raout). Mot emprunté de langlais. Assemblée nombreuse de personnes du grand monde (Dictionnaire de l’Académie française, édition de 1878, t. II, p. 684).

(2) Théâtre San Carlo, le plus grand théâtre de musique de Naples.

(3) Mémoires du prince de Metternich, t. III, p. 205.