Page:Metzger - Les doctrines chimiques en France du début du XVII à la fin du XVIII siècle, 1923.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
principales théories des iatro-chimistes

hypothèse scientifique tendait en se développant à absorber le système du monde, elle cherchait à chasser de la pensée de ceux qu’elle séduisait tout ce qui ne serait pas un prolongement ou une adaptation d’elle-même[1].

Ces hypothèses audacieuses, intolérantes et exclusives, se présentèrent dès leur naissance sous leur forme définitive et parfaite que rien ne peut modifier ; dans leur développement théorique, elles ne rencontrent aucun obstacle ; sans se soucier des objections, elles déroulent un système du monde ; mais sans s’assouplir elles se brisent et laissent immédiatement la place à des rivales éphémères auxquelles de nouvelles hypothèses succèdent bientôt[2]. Si aucune d’elles ne parvient à maîtriser les esprits, c’est qu’elle est gênée dans sa propagation sociale par l’éclosion simultanée d’un grand nombre de doctrines adverses qui, comme elles aspirent à tenir tout le champ de la pensée humaine. En se combattant âprement, elles se limitent mutuellement et s’étouffent les unes les autres. À vrai dire, elles ne se combattent pas ; elles s’étalent en ignorant l’existence de leurs adversaires ; les savants d’alors manient l’injure avec plus d’art que la discussion ; et l’historien, ébloui parle choc des opinions adverses qui s’attaquent par leur

  1. À ce sujet, lire Boerhave. Chimie, livre i, discours i.
  2. Gmelin a appelé la période que nous étudions « l’époque des Eclecliques », ne pouvant trouver un auteur dont les opinions ont dominé la chimie, et, d’autre part, voyant que l’hypothèse principale de chaque savant était due à une déformation d’idées plus anciennes rendues difficilement reconnaissables.