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les doctrines chimiques en france

De même pour expliquer les dissolutions, digestions, précipitations et effervescences, nos chimistes proposèrent différentes théories fort semblables, mais absolument inconciliables l’une avec l’autre. À mesure que la documentation expérimentale s’enrichit, l’interprétation mécanique de l’ensemble perd quelque peu de son homogénéité, et bientôt présente à l’esprit un tableau fort désordonné du monde !

De cela certains philosophes se plaignirent amèrement[1]. « On ne voit dans les traités de physique, dit Régis, qu’expériences entassées les unes sur les autres, avec des explications qu’on ne peut réduire aux mêmes principes, parce qu’elles sont fondées sur des analogies qui n’ont aucune analogie entre elles. »

Comment alors, parmi toutes les interprétations de la nature prétendant atteindre la réalité des choses, reconnaître la bonne ? Cet insoluble problème devait certainement engendrer quelque scepticisme parmi les savants qu’aucune considération théorique ne guidait pour faire un choix. Quelques-uns d’entre eux pensèrent que notre esprit n’était en possession d’aucune méthode assez sûre pour savoir la vérité. En conséquence, ils déclarèrent que les théories physico-chimiques pouvaient, sans commettre de faute, faire appel à des systèmes différents, présentant entre eux une incompatibilité radicale. Ce droit à l’incohé-

  1. Philosophie, vol. i, préface.