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LA THÉORIE DE LÉMERY

relier ses opérations les unes avec les autres ; la chute de ces anciennes philosophies, dont le mécanisme de Lémery ne laissa rien subsister, se serait produite d’elle-même sans aucune attaque de l’extérieur. Elles prétendaient toutes atteindre le phénomène chimique par une explication psychologique, les unes attribuant à la Nature entière une aspiration à réaliser la perfection, les autres distribuant libéralement aux différentes substances chimiques des désirs, des appétits, des tendances, des sentiments ou des passions. Or, cette métaphysique, qui avait pu séduire quelques savants tels que Davidson, se dégrada rapidement en romanesque et lassa l’imagination de tous.

Pour vaincre l’anarchie de la théorie, le cartésianisme imposa à l’esprit une discipline fort sévère ; il fit prévaloir ce théorème fondamental que l’essence de la matière est identique à l’étendue et ne crut pas, comme le dit Malebranche[1], que personne au monde pût douter de cette assertion après y avoir sérieusement pensé. Cela admis, la chimie se trouva délivrée des doctrines du moyen âge ou de la Renaissance, dont le prestige déjà déclinait ; ces doctrines, qui, aujourd’hui encore, nous paraissent ; mystérieuses et séduisantes, encombraient alors la science beau coup plus qu’elles ne l’enrichissaient et, en les rejetant en bloc comme des rêveries fantaisistes ou d’obsédantes fantasmagories, la nouvelle école

  1. R. de la Vérité, livre iii, § 8.