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devait se passer de cette « métaphysique ». Il n’a même pas hésité à opposer, dans une polémique des plus vives, cette opinion si tranchée à celle de M. Planck, malgré la haute autorité de ce dernier, lequel s’est donc, dans cet ordre d’idées, montré l’adversaire résolu du positivisme rigide. Qu’il reste néanmoins, chez ce physicien aussi, quelque chose des convictions positivistes, c’est ce dont on se rend compte en envisageant précisément ce qu’il dit des rapports entre le déterminisme et les théories sur l’être. M. Planck juge en effet que ces théories, et la notion entière du réel, l’image de l’univers (Weltbild) que forme leur ensemble, tout cela ne serait qu’une « construction jusqu’à un certain point arbitraire, édifiée dans le but de se libérer de l’incertitude qui s’attache à chaque mesure particulière et de rendre possibles des relations conceptuelles précises[1]. »

Il est de fait que si l’on se contente d’examiner la science de nos jours, c’est-à-dire, pour préciser, la physico-chimie telle qu’elle se présentait avant les récentes recherches sur les quanta, une telle affirmation peut paraître fort plausible. Car cette physique, d’une part, fait grand usage de théories, et, d’autre part — ainsi que l’a fait ressortir M. Metz (cf. C. P., § 74) — traduit incontestablement ses observations et mesures directes en des déterminations ayant trait à ce qui se passe dans le monde de l’être hypothétique (en apportant au besoin, des corrections aux données numériques relevées sur les instruments), ces déterminations définitives étant d’ailleurs manifestement supposées être d’une précision absolue. Il peut paraître dès lors permis de lier ces constatations et d’affirmer que la construction entière d’un réel hypothétique n’a d’autre but que de permettre de conserver cette détermination rigoureuse — ce qui présenterait d’ailleurs l’avantage de faire rentrer ces hypothèses dans le cadre d’une science uniquement orientée vers l’action. Mais il en va ici comme de la conception purement empirique des principes de conservation : le

  1. Ib., p. 9. — Constatant, ce qui est l’évidence même, que la physique fait usage d’éléments qui « pour le monde des sens, ne présentent aucune importance ou n’en présentent qu’une très faible », M. Planck suppose que de tels composants apparaissent tout d’abord comme constituant simplement un poids mort (als Ballast), mais on les agrée à cause de l’avantage décisif que présente l’introduction du Weltbild et qui consiste en ce que ce dernier « rend possible l’affirmation d’un déterminisme rigoureux ».