Page:Meyerson - Réel et déterminisme dans la physique quantique.pdf/32

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volonté. Comment cet être mental, spirituel, qu’est la volonté parviendrait-il à se traduire en physique, à exercer une influence physique, si infime fût-elle ? Sans doute une telle manière de voir peut-elle se réclamer d’illustres répondants : Descartes n’affirmait-il pas que l’esprit, s’il était incapable de créer du mouvement dans le corps, avait néanmoins le pouvoir de modifier la direction de ce mouvement ? Mais pour l’homme de nos jours, habitué à une pensée mécanique plus rigoureuse, laquelle, au point de vue de la détermination, enserre d’une même manière la force vive et la quantité de mouvement, des suppositions de ce genre sont peu acceptables, et tout ce que l’on parviendrait à accomplir dès lors, ce serait de constater le fait. Mais ce fait, si indubitable que l’on se l’imagine, n’en resterait pas moins parfaitement inexplicable. Ce ne serait rien de moins qu’un miracle. Et il y aurait alors un autre miracle du fait que l’indéterminé quantique, dans les organismes, se répercuterait dans le molaire, étant donné qu’il en va tout autrement dans l’inorganisé.

Il est parfaitement vrai que la science ne peut nier l’existence du miracle ; elle ne peut qu’en restreindre progressivement le domaine, en montrant, pour tel cas précis, que ce qu’on prenait pour un miracle était dû à l’action de causes naturelles, restées primitivement inconnues. Pour des raisons analogues, d’ailleurs, on ne peut, contrairement à ce que supposent certains, démontrer scientifiquement qu’un miracle s’est produit, car les incrédules auront toujours beau jeu pour affirmer qu’il y a eu intervention de facteurs dont on n’a pas su démêler la présence. Ainsi le miracle — tout comme l’acte de libre arbitre, qui ne serait qu’un miracle dans ce sens — reste bien en dehors du domaine de la science. Et dès lors on serait tenté de dire que l’on ne gagne rien en passant par les constatations quantiques. Car on est toujours libre d’admettre le miracle, mais il ne devient point plus compréhensible si l’on stipule, au lieu de son intrusion directe dans l’univers du sens commun, une action de l’esprit sur la particule et une répercussion de l’indétermination quantique dans le molaire.

Il y aurait cependant, à notre avis, de l’imprudence à se prononcer, dans ce cas, dans le sens d’un dogmatisme négatif trop absolu. De toute évidence, il y a là de l’irrationnel, et quoi qu’on fasse, et quels que soient les progrès que l’on s’imagine accomplir dans l’avenir, il est tout aussi évident que le mystère ne disparaî-