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comme le faisaient les stoïciens, la domination absolue de la nécessité dans l’univers ? On peut raisonnablement en douter. Car M. Planck lui-même, dont nous avons indiqué l’intransigeance déterministe, conclut, dans l’opuscule dont nous avons tiré nos citations, simplement que « la loi causale est un indicateur de la voie à suivre (ein Wegweiser), le plus précieux que nous possédions »[1]. Or, à ce point de vue, la situation reste sans changement.

Ainsi la supposition selon laquelle la science serait solidaire du déterminisme constituait une erreur, erreur fort excusable certes, puisque (le positivisme même mis à part) le physicien était naturellement poussé à attribuer au réel ce qui constituait effectivement un postulat indispensable au travail de celui qui cherchait à pénétrer ce réel.

À la fin de notre premier travail (I. R., p. 511 et suiv.), nous avions envisagé la possibilité de considérer le principe de légalité comme une sorte d’abrégé de celui de causalité. Cette supposition, en fin de compte, nous avait paru difficilement admissible, étant donnée, précisément, la rigidité de l’énoncé légal, ne comportant aucune exception, en dehors des actes régis par une volonté terrestre ou supra-terrestre, en tant que comparée à la flexibilité de l’énoncé causal. Cependant nous avions pris soin d’ajouter que l’hypothèse ne nous paraissait point entièrement inacceptable. Et l’on a vu plus haut (p. 38) que, défendant le point de vue rigoureusement déterministe, Leibniz a fait intervenir non la légalité, mais la causalité ; l’apparition du non-déterminé serait contraire au principe de la raison suffisante, car on le supposerait alors venant de rien. Or, il ne peut y avoir de doute à cet égard, il est impossible d’admettre que le principe de raison suffisante, l’ex nihilo nihil de Lucrèce, gouverne absolument le réel. S’il le faisait, il n’y aurait jamais rien de nouveau, aucun changement, voire aucun divers, même simultané, tout se confondant dans la parfaite et éternelle identité de la sphère de Parménide ; d’où précisément la nécessité de supposer la causalité flexible, ainsi que nous le rappelions plus haut. Par conséquent, si l’on adopte le point de vue leibnitien, tout en le modifiant comme on y est, semble-t-il,

  1. L. c., p. 26. Le terme loi causale désigne chez M. Planck, comme chez M. Heisenberg (cf. plus haut, p. 37, note) notre principe de légalité.