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ANDRÉ (Yves-Marie), né le 22 mai 1675, à Châteulin, en basse Bretagne, entra chez les jésuites en 1693. La distinction avec laquelle il fournit sa carrière scolastique dans plusieurs collèges de province semblait le désigner pour aller figurer sur le théâtre de la capitale ; mais la défaveur ou le mit, dans son corps, la modération de ses sentiments sur les affaires qui agitaient à l’Église de France l’obligea de se fixer, en 1726 dans la place de profesaeur royal de mathématiques à Caen, qu’il remplit pendant trente-neuf ans. Le P. André. dès son début dans la république des lettres, attacha une grande réputation à son nom par l’Essai sur le beau, qui parut en 1741, in-12. Cet ouvrage, où règne une philosophie douce et profonde, ornée des fleurs d’une littérature exquise, est devenu classique. Le manuscrit du Discours sur le beau dans les pièces d’esprit donnait pour modèle le crayon fin de Pascal. Une main étrangère substitua, dans l’imprimé, le pinceau léger de Pélisson. L’auteur fut sensible à ce changement : il s’en plaignit ; mais sa position ne lui permettait pas de réclamer publiquement. Ce ne fut qu’après être devenu libre, par la destruction de sa société, qu’il put faire rétablir, dans l’édition de 1735, la leçon qui avait été supprimée sans son aveu. Le P. André avait des sentiments peu analogues à ceux de ses confrères sur les matières de théologie et de philosophie : il était grand admirateur de St. Augustin, et avait en même le projet d’en composer la vie, et d’y joindre une analyse de ses ouvrages. Sincèrement attaché aux maximes de l’Église gallican, il trouvait étrange qu’on laissait aux moines la liberté de former dans le royaume un parti pour les doctrines ultramontaines. Quoique soumis aux décrets de Rome sur le jansénisme, il aurait voulu que tout le monde se fût renfermé dans le silence sur les questions agitées alors avec tant d’animosité. On voit, par sa correspondance avec l’abbé de Marbœuf, qu’il blâmait les procédés de ses confrères contre le cardinal de Noailles. Admirateur de la doctrine du P. Mallebranche, il eut avec ce célèbre philosophe un commerce de lettres très-suivi, qui ne finit qu’à la mort de ce dernier. Il a consigné ses regrets sur cet événement dans une lettre très-intéressante au P. Lelong, de l’Oratoire. Cette lettre, qui n’aurait pas déparé la collection de ses œuvres, ne contient que l’esquisse de la vie de son illustre maitre, qui est encore manuscrite, et que nous savons avoir été étrangement mutilé par celui qui en est le dépositaire actuel. Les sentiments du P. André percèrent dans sa société. On l’accuse d’être un novateur en philosophie, et d’avoir une doctrine suspecte en théologie. Il fut éloigné des charges, dépouillé de celles qu’il possédait, changé de lieu de résidence, menacé d’un exil rigoureux. Heureusement que la considération dont il jouissait au dehors et le crédit de ses protecteurs forcèrent ses supérieurs à mettre des bornes à leurs tracasseries. La paix fut conclue, sous la condition qu’il ne serait plus question, entre ses confrères et lui, des objets qui avaient fait la matière de leurs contestations. Mais rien ne fut capable de l’ébranler dans ses opinions. Il disait plaisamment à ce sujet : « Je ne saurais faire comme le P. dutertre, qui, en vertu de la sainte obédience, s’est couché le soir Malebranchiste, et s’est levé le matin bon disciple d’Aristote. » À la destruction des jésuites, le P. André se retira chez les chanoines réguliers de Caen, et le parlement de Rouen pourvut honorablement à ses besoins. C’est dans cette retraite qu’il termina paisiblement sa longue carrière, le 26 février 1764. L’abbé Guyot, son ami, a recueilli ses œuvres, qui ont été imprimées à Paris en 1766, 5 vol. in-12. Sans contredit, les pièces de ce recueil sont inférieures à l’Essai sur le beau ; cependant on sent la touche de l’auteur dans le Traité de l’Homme. Le P. André a laissé plusieurs ouvrages manuscrits, dont on trouve une notice à la fin, de l’éloge dont l’abbé Guyot a orné l’édition dont on vient de parler. La correspondance du P. André avec le P. Mallebranche est entre les mains d’un homme de lettres. T-d.


ANDRÉ (le petit Père). Voyez Boullanger.


ANDRÉ (Jean), peintre., né à Paris en 1662. À dix-sept ans, il se fit religieux dominicain. Ses supérieurs l’ayant envoyé à Rome, il y étudia les grands maîtres, et en revint avec un talent assez estimable. Ses tableaux ; représentant des sujets de dévotion, étaient placés dans plusieurs églises de Paris, et principalement dans celle des jacobins. Ils sont aujourd’hui, pour la plupart, dispersés ou perdus ; mais les arts ont fait, à la fin du 18e siècle. des pertes plus regrettables. Le frère André était un de ces peintres laborieux qui ne s’élèvent pas aux grandes beautés de l’art. Venu ans un temps ou la peinture tendait à la décadence, il suivit la route tracée par ses contemporains, plutôt que celle des grands maîtres dont il était allé méditer les ouvrages à Rome. Il refusa, par modestie, d’être reçu à l’Académie. Lafosse et Jouvenet avaient, dit-on, de l’estime pour ses talents. Il mourut à Paris en 1733, âgé de 91 ans, et eut pour élèves Dumont, dit le Romain, Chasle et Taravel. D-t.


ANDRÉ (Jean), musicien célèbre, né à Offenbach, sur le Rhin, le 28 mars 1741. Sa mère, qui dirigeait dans sa ville natale une grande manufacture de soie le destinait au commerce ; mais son goût pour la musique l’emporta, et, malgré le manque d’instruction suivie, il y fit les plus rapides progrès. Pendant qu’il était chez un négociant de Francfort-sur-le-Mein il composa son premier opéra, le Potier, qui obtint un grand succès ; il mit en musique, peu après, Erwin et Elimire, opéra dont Gœthe avait fait les paroles. Cet ouvrage fut joué sur le théâtre de Berlin, avec de grands applaudissements. André se rendit alors dans cette ville, obtint la direction du grand théâtre. et se distingua par de nombreuses compositions. Mais, comme la fabrique de musique qu’il avait laissée à Offenbach périclitait en son absence, il se rendit ans sa patrie, et reçut, avant de partir, le titre de maître de chapelle du margrave de Brandebourg-Schwedt. On a de lui vingt opéras, et des pièces moins étendues : une mélodie fort spirituelle en est le caractère : il s’était formé presque