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qu’éclata la révolution il était colonel du régiment de Vesin. Dévoué à la famille royale, le duc de Damas émigra ; il fit la campagne de 1792, et en 1794 il forma une légion qu’il conduisit successivement en Angleterre et en Hollande, et qui ayant voulu ensuite débarquer en France, dans les départements de l’Ouest, fut en grande partie détruite le 3 thermidor, an 3, à l’affaire de Quiberon. — En 1795, il passa avec les débris de sa légion à l’armée de Condé, puis attaché à la personne du duc d'Angoulême en qualité de gentilhomme d’honneur, le duc de Damas suivit ce prince à Mittau, à Varsovie et en Angleterre. Il rentra enfin en France au mois de mars 1814, avec les troupes alliées. Le 22 juin de la même année, le duc de Damas fut nommé lieutenant général, et le 23 août, grand croix de St-Louis. — Au mois de mars 1816, il fut chargé par le duc d’Angoulême de diverses missions dans le midi de la France, il s’en acquitta peut-être avec plus de zèle que de sagesse, et les mesures qu’il prit paraissent avoir plutôt compromis la cause de la famille royale qu’elles n’ont servi ses intérêts. — Après la seconde restauration, le duc de Damas fut nommé gouverneur des 11e et 20e divisions, commandant du corps d’armée des Pyrénées occidentales, puis le 17 août 1815, pair de France. Le titre de duc lui fut conféré le 19 février 1816, et peu de temps après, il fut appelé au commandement de la 2e division militaire, dès lors la vie du duc de Damas n’offre plus rien de particulier à l’histoire. - Le duc de Damas n’a pas eu d’enfants de son mariage avec la fille du duc de Sérent, et avec lui s’est éteinte la branche de Damas-Crus, aînée de toute la famille. Il est mort à Paris à l’âge de 93 ans, le 30 mai 1846.

E.-D-S.


DAMAS (JOSEPH-FRANÇOIS-LOUIS-CHARLES-CÉSAR, duc DE), cousin des précédents, naquit en 1758, fils du marquis de Damas-d’Antigny, et fut longtemps désigné sous le nom de comte Charles. Il entra au service dès l'âge de treize ans dans le régiment du roi, et fit comme aide de camp du comte de Rochambeau, les campagnes de 1780 et 1781 en Amérique. Devenu colonel il commanda le régiment des dragons du Dauphin, puis celui de Monsieur, frère du roi, dont il était gentilhomme d’honneur. C’est à la tête de ce corps qu’il eut à remplir, en 1791, une mission bien importante, celle d’assurer le passage de la famille royale dans son funeste voyage de Varennes. M. de Bouille l'avait mis depuis longtemps dans la confidence de ce projet, et il le chargea d’occuper le poste de Clermont. On ne peut pas douter qu’il n’ait fait preuve dans cette occasion d’autant de zèle que de loyauté ; mais il n’est que trop vrai qu’il manqua tout à fait d’énergie et de présence d’esprit pour réprimer les premiers symptômes d’insubordination qui se manifestèrent parmi ses dragons. Intimidé par quelques menaces il s’éloigna de sa troupe presque seul, et se mit sur les traces du roi qu’il rejoignit à Varennes, et pour lequel il ne pouvait plus être

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dès lors qu’une cause d’embarras et d’inquiétude, au lieu d’un moyen de sécurité et de salut qu’il lui eût offert avec son régiment. Conduit à Paris et décrété d’accusation par l’assemblée nationale, ainsi que MM. de Choiseul et Goguelat (voy. ce nom), il devait être jugé par la haute cour nationale, lorsque l’amnistie, qui fut la suite de l’acceptation de la constitution par Louis XVI, le rendit à la liberté. Le comte de Damas émigra aussitôt après ; et il alla rejoindre Monsieur, dont il fut le capitaine des gardes, ce qui sans doute alors n’était guère qu’un vain titre. Il suivit ce prince dans l’expédition de Champagne en 1792, puis en Italie, fut nommé maréchal de camp en 1795, et se mit en chemin pour faire partie de l’expédition de Quiberon. Mais il ne fut pas même témoin de ce désastre. Le bâtiment qui devait le porter en Angleterre avec M. de Choiseul fit naufrage ; et la tempête les jeta sur la côte de Calais, où ils tombèrent dans les mains des républicains. Longtemps menacés d’être traduits devant une commission et de subir toute la rigueur des lois contre les émigrés, ils échappèrent enfin à ce péril et furent mis en liberté. M. de Damas se rendit alors auprès du comte d’Artois, et il accompagna ce prince à l’île-Dieu en qualité d’aide de camp. En 1797, il prit, sous le comte Roger de Damas son frère (voy. l’art. suivant) le commandement de la légion de Mirabeau, et fit le reste de la guerre dans l’armée de Condé jusqu’au licenciement en 1801. Il rentra en France dès que les lois contre l’émigration furent moins rigoureusement exécutées, et il habitait la capitale au moment de la restauration en 1814. Louis XVIII le nomma pair de France, lieutenant général, commandeur de St-Louis et capitaine des chevau-légers. Il suivit ce prince dans la Belgique en 1815, fut appelé au commandement d’une division militaire à Dijon, nommé premier gentilhomme de la chambre en 1821, et reçut le titre de duc l’année suivante. Il mourut à Paris le 5 mars 1829. On a imprimé dans la collection des Mémoires relatifs à la révolution, Paris 1823, une Relation de M. le comte Charles de Damas sur l’événement de Varennes.

M-D j.


DAMAS (le comte ROGER de), frère du précédent, naquit en 1765, et fut inscrit à l’âge de douze ans sur le contrôle des officiers du régiment du roi, dont son oncle, le duc du Châtelet, était colonel. D’une famille vouée depuis plusieurs siècles à la carrière des armes, et voyant plusieurs de ses ainés déjà illustrés par les campagnes d’Amérique, il se montra fort impatient de marcher sur leurs traces. Mais la France de Louis XVI était trop pacifique, trop peu pour son ardente valeur. Depuis la paix de 1783 il n’y avait plus de guerre en Europe qu’entre les Turcs et les Moscowites. Ne pouvant obtenir le consentement de son souverain ni celui de la czarine Catherine, le jeune comte Roger de Damas partit secrètement, et, après avoir erré pendant plusieurs mois[1], il ar-

  1. Il se répandit alors dans le public que le jeune comte de Damas était forcé de quitter la France par suite d’un duel avec le vicomte de Wall (voy. ce nom) qui avait eu pour celui-ci des suites funestes. L’intervention de la cour avait seule pu soustraire le comte de Damas au ressemtiment de la famille de son adversaire, qui avait succombé sans que l’on sut de quelle manière.