Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 17.djvu/269

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que le gouvernement républicain pût convenir à la France ; il ne fut même pas assez prudent pour cacher ce qu’il pensait à cet égard. Lorsque ce système fut mis en activité, les jacobins du pays le dénoncèrent comme royaliste, et ensuite comme fanatique, parce qu’il persistait dans l’exercice du saint ministère. Le comité de salut public le fit arrêter et transférer à la Conciergerie de Paris, sans lui laisser même le temps d’emporter ce qui lui était nécessaire pour se vetir. Il fut traduit au tribunal révolutionnaire et mis à mort le 26 mars 1794, à l’âge de 54 ans. On a de lui : 1° Exposé des principes de la constitution civile du clergé par les évêques députés à l’assemblée nationale, 1790, in-8° : Gouttes fut rédacteur principal de cet ouvrage ; 2° Discours sur la vente des biens du clergé, prononcé le 12 avril 1790, in-8° ; 5° Discours sur le rétablissement du papier-monnaie, prononcé le 15 avril 1790, in-8° ; 4° Théorie de l’intérêt de l’argent, tirée des principes du droit naturel, de la théologie et de la politique, contre l’abus de l’imputation d’usure, 1780, in-12 ; 1782, in-12 : le fonds de cet ouvrage est de Rulié, curé de St-Pierre de Cahors ; l’abbé Gouttes le refit, aidé, dit-on, de Turgot.


GOUVÉA (Antoine de), en latin Goveanus, célèbre jurisconsulte, naquit à Béja, en Portugal, vers l’an 1505. À une connaissance profonde des lois il réunit le goût des lettres et de la philosophie, et se fit connaître par des poésies élégantes et de savants commentaires. Nous avons peu de détails sur ses premières années. Nous savons seulement qu’il vint en France à l’âge de vingt-deux ans ; qu’ayant été reçu docteur es arts en 1552, il professa pendant cinq années les humanités, tant à Paris qu’à Bordeaux, et qu’ensuite il alla dans les écoles de Toulouse et d’Avignon étudier la jurisprudence. Mais après dix-huit mois de dégoûts, renonçant à une science qui lui semblait trop pénible, il se rendit à Lyon, résolu de se livrer exclusivement à son penchant pour la littérature. Il publia dans cette ville, en 1539, un recueil de poésies latines, érotiques et satiriques, composé de deux livres d’épigrammes et de quelques épîtres. L’auteur s’était proposé dans cet ouvrage de lutter contre Ovide, Catulle et Martial. Si comme rival il est resté bien inférieur à ces poëtes, il en offre du moins quelquefois d’heureuses imitations. Quoique son style ait en général de la grâce et de la facilité, on peut souvent lui faire le reproche de n’avoir pas toute l’exactitude possible dans le choix des termes. Gouvéa fit à Lyon une connaissance qui influa beaucoup sur son talent : ce fut celle d’Émile Ferret. La société d’un tel jurisconsulte lui donna bientôt pour le droit autant de goût qu’il avait jusque-là montré de répugnance pour cette étude. Après avoir passé trois années avec un maître si digne de l’instruire, il revint à Paris, où il enseigne la philosophie jusqu’en 1544. C’est dans ce laps de temps que Pierre Ramus fit paraître ses ouvrages, trop fameux pour son repos, et dans lesquels il attaque si vivement le philosophe de Stagyre. Gouvéa, que ses talents et son zèle pour la doctrine d’Aristote avaient mis à la tête du péripatétisme, le combattit presque aussitôt par un écrit intitulé Pro Aristotele responsio adversus Petri Rami calumnias. Mais les aristotéliciens ne se bornèrent pas à une guerre de plume. L’infortuné Ramus fut poursuivi criminellement devant le parlement de Paris pour avoir attenté à la gloire d’un si grand philosophe. Les clameurs toujours croissantes de ses ennemis parvinrent même à faire porter cette affaire devant le roi (François Ier), qui d’abord ne voulait rien moins qu’envoyer le coupable aux galères. Mais ce premier mouvement d’indignation ayant fait place à des sentiments plus modérés, il se contenta de mettre Ramus aux prises avec Gouvéa, ne doutant point qu’un pareil adversaire ne l’eût bientôt réduit au silence. En effet, les débats s’étant ouverts en présence des arbitres qu’ils avaient eu ordre de choisir pour juger leur différend, Gouvéa sortit triomphant de cette lutte. Les arbitres déclarèrent que « Ramus avoit esté téméraire, arrogant et impudent d’avoir blasmé et reprouvé le train et art de logique reçeu de toutes les nations, que luy mesme ignoroit, et parce qu’en son livre des Animadversions il reprenoit Aristote, estoit évidemment connue et manifestée son ignorance. » Les livres de Ramus furent interdits dans tout le royaume, et il lui fut fait défense d’enseigner la philosophie. Gouvéa commença vers l’an 1548 in professer le droit, d’abord à Toulouse, ensuite à Cahors, à Valence et enfin à Grenoble. Tel fut l’éclat de ses leçons, que Cujas, désespérant d’obtenir quelque gloire après une si grande renommée, fut, de son propre aveu, souvent sur le point d’abandonner 1’étude des lois. Les troubles qu’excitèrent en France les innovations de Luther et de Calvin obligèrent Gouvéa, vers 1562, de renoncer à sa patrie adoptive. Il se retira en Savoie, à la cour d’Emmanuel-Philibert, qui le nomma maître des requêtes et membre de son conseil secret. Suivant la plupart des biographes, Gouvéa mourut à Turin en 1565. Un de ses contemporains qui l’avait vu à Grenoble en 1557, nous apprend que Gouvéa lisait peu, écrivait rarement, mais réfléchissait beaucoup. Les leçons qu’il devait faire dans sa classe, il les méditait tantôt couché sur son lit, tantôt en se promenant dans un jardin qu’il avait auprès de la ville. Sa chaire lui était fort à charge, parce qu’il regardait une vie tranquille et sans embarras comme le plus grand bien dont il pût jouir dans ce monde. Il était bienfaisant et d’un commerce doux et agréable. Quant à son mérite comme jurisconsulte, l’opinion des savants est presque unanime. Le président Favre le compare à Cujas, et lui trouve un génie plus profond. Gravina, qui partage ce sentiment, n’accorde la prééminence à Cujas que par l’immensité de ses travaux. S’il nous était permis d’ajouter au jugement de ces savants illustres, nous dirions que le génie vif et