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APE

de l’antiquité, une théorie opposée a celle de son maître. À la suite de sa pièce les Étoliens (1806 ; nouv. éd., 1811), il exposa ses idées principales sur ce sujet ; elles firent quelque sensation, et il les reproduisit avec des développements dans l’Allg. musik. Zeitung de 1807 et 1808. M. Godefroi Hermann répondit dans le même journal (1809, n° 19), et n’eut pas de peine à prouver que si les idées d’Apel étaient ingénieuses, ses connaissances dans la philologie étaient assez peu profondes, et ses conjectures sur le rhythme et la mélodie des anciens purement systématiques. Apel, entraîné par la contradiction à défendre ses opinions, et à les étayer sur de nouvelles recherches, composa un livre tout entier sur la métrique, et en fit paraître le 1er volume en 1814 (in-8°, Leipsick). M. Hermann n’y répliqua qu’avec beaucoup de ménagements et d’une manière détournée dans quelques passages d’une nouvelle édition de sa prosodie latine, qui parut la même année. Apel soutint la polémique jusqu’au bout ; il revint sur les dernières objections de son adversaire, et il allait faire paraître le 2e volume de sa Melrik, dont les dernières feuilles s’imprimaient, quand il fut atteint d’une esquinancie qui l’enleva subitement, le 9 août 1816. Ce 2e volume parut presque aussitôt ; mais il eut peu de succès. M. Godefroi Hermann, dans son bel ouvrage Elemento doctrima metricæ, publié quelques semaines auparavant, avait à peu près mis son adversaire hors de combat, en faisant voir que ceux qui avaient attaqué ses opinions ne les avaient pas suffisamment comprises. Les critiques allemands accordent des éloges au style d’Apel pour sa correction et son élégance. — Frédéric-Auguste-Ferdinand Apel, frère aîné du précédent, né à Leipsick le 8 juillet 1768, étudia la jurisprudence, et parait avoir préféré des loisirs studieux dans ses terres de Dœlitz, près Leipsick, à la pratique des affaires. On cite de lui : 1" Dissertatio (præs. Biener) sistens histor. et jura suffragii electoralis saxonici et archimareschallatus S. Imp. rom., Leipsick, 1789, in-4o. 2° Dissertatio inaug. de juribus singularibus clericor. in Saxonia, ibid., 1791, in-4o. Cette thèse est fort augmentée et corrigée dans la traduction allemande qui en fut publiée l’année d’après, in-4o. 3° Sur la nourriture artificielle des abeilles (Ueber kunstliche Bienenfuetterungen, etc.), ibid., 1805, in-8o. F-ll.


APELLES, peintre, naquit à Cos, selon, la plupart des auteurs, et reçut le droit de cité à Éphèse : il était fils de Pythius, et frère de Ctesiochus. Éphorus d’Ephése lui donna les premières leçons de son art, et Pamphile d’Amphipolis fut son second maître. Apelles effaça tous les peintres qui l’avaient précédé, et il excella dans toutes les parties de l’art ; mais il se fit remarquer surtout par une grâce inimitable, et par la pureté, l’élégance et le choix des formes. Les villes de la Grèce, de l’Archipel, de l’Asie, de l’Égypte, se décoraient et s’honoraient de ses nombreux chefs-d’œuvre. Apelles n’avait rien négligé pour porter son talent au plus haut degré ; il visita les écoles les plus célèbres, entre autres celle de Sicyone, qui jouissait alors d’une grande réputation. Il se rendit également à Rhodes pour voir Protogene, dont la célébrité excitait son émulation : ce dernier était absent lors de l’arrivée d’Apelles, qui, sans dire son nom, se contenta de tracer avec le pinceau un trait d’une précision et d’une pureté remarquables, et se retira. Protogène, de retour, reconnut la main d’Apelles, comme la seule capable de dessiner une esquisse aussi parfaite ; mais il entreprit de la surpasser, et les nouveaux traits qu’il fit étaient encore plus légers et plus précieux. Apelles revint une seconde fois ; on lui montra l’ouvrage de Protogène à côté du sien, et il remplit de nouveau l’espace qui restait, par un contour si délicat, que le peintre rhodien se confesse vaincu, et courut chercher Apelles, qu’il reçut chez lui, en lui rendant toutes sortes d’honneurs. Ce tableau, ou plutôt ce trait, sur lequel on a beaucoup disserté, était regardé comme un miracle de l’art ; dans la suite il fut porté à Rome, et placé dans le palais des Césars, où un incendie le consuma. La douceur et la noblesse des manières et du langage d’Apelles le faisaient chérir de ses rivaux comme de ses élèves ; il fit passer les ouvrages de Protogène pour les siens, afin qu’on en donnât un plus haut prix. Admirateur de la beauté, il en cherchait les plus rares modèles ; ce fut lui qui distingue la fameuse Laïs, qui, jeune encore et ignorée, puisait de l’eau à une fontaine. Apelles l’engagea à le suivre, et comme ses amis se moquaient de son choix : « Avant trois ans, dit-il, elle n’aura plus rien à apprendre dans l’art de la volupté. » On croit aussi que la belle Phryné lui servit de modèle, et que ce fut après l’avoir vue dans le bain qu’il peignit, pour les habitants de Cos, une Vénus Anadyomène, qu’Auguste plaça depuis dans le temple de César, chef-d’œuvre qu’effaçait néanmoins une autre Vénus que la mort empêche Apelles de terminer, et que personne n’osa achever. La gloire et le talent d’Apelles étaient à leur comble vers la 112e olympiade, 332 ans avant J.-C. On le nommait le prince des peintres, et, depuis, la peinture fut appelée par excellence l’art d’Apelles. Alexandre le combla de ses faveurs, et ne voulut être peint que par lui ; il lui permettait de l’entretenir familièrement ; et un jour que ce monarque dissertait sur la peinture, et se trompait sur plusieurs points : « Prenez garde, lui dit Apelles, et parlez plus bas ; car les ouvriers qui broient mes couleurs riraient de vos discours. » Mais plusieurs auteurs font adresser cette réponse, un peu hardie, au grand prêtre d’Éphèse, homme riche et puissant, qu’Apelles avait peint conduisant la pompe d’un sacrifice : cet ouvrage était mis au rang des plus beaux de ce grand artiste. On citait aussi un Alexandre foudroyant, dont la foudre et les bras semblaient se détacher du tableau ; un Antigone, peint de profil, pour cacher un défaut de ce prince auquel il manquait un œil. Plusieurs auteurs ont parlé d’un cheval peint dont la vue faisait hennir les cavales[1]. En peignant un autre tableau du même genre, Apelles

  1. Apelles avait peint ce tableau pour un concours. Les juges lui ayant refusé le prix, il se vengea de cette injustice en exposant son cheval sur une place publique, et les cavales hennirent, dit-on, à sa vue comme s’il est été vivant.