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ANN

frayée de cet orage, songea à se rétracter ; Apocauque et les ambitieux dont elle était entourée l’engagèrent à la résistance ; les affaires de Cantacuzène prirent d’abord une tournure fâcheuse ; cependant elles se rétablirent en 1344, et l’impératrice ne rougit pas de mendier le secours des Bulgares et des Turcs contre un prince qui ne connaissait d’autres intérêts que ceux de l’État. L’année suivante, Apocauque fut assassiné par des prisonniers ; Anne permit à la veuve de son ministre de faire un horrible massacre des assassins de son époux. Le désordre étant parvenu à son comble en 1347, l’impératrice fut forcée de recevoir Cantacuzène dans Constantinople et de partager avec lui le titre et les honneurs impériaux. Ce fut alors que, délivrée d’une partie des soins du gouvernement, elle prit une part très-vive dans des querelles théologiques, persécuta et fit déposer le patriarche de Constantinople, Jean d’Apri, qui jadis l’avait soutenue contre Cantacuzène. Il paraît même qu’elle embrassa les erreurs des palmistes ou quiétistes du mont Athos. En 1351, des dissensions s’étant élevées entre Cantacuzène et Jean Paléologue, Anne parvint a les réconcilier ; mais elle eut bientôt la douleur de voir renaître ces funestes querelles, dans lesquelles l’histoire lui fait jouer l’honorable rôle de médiatrice, et qui finirent par l’abdication de Cantacuzène. Anne mourut peu de temps après ; mais non pas en 1345, comme l’a dit Moréri. L-S-e.


ANNE de Russie, fille de Jaraslas, épousa, en l’année 1044, Henri Ier, roi de France. Ce prince était veuf depuis longtemps, quoiqu’il ne fût que dans sa trente-neuvième année ; comme il n’avait pas d’héritier, ses sujets le pressaient de former une nouvelle union ; mais la crainte d’avoir des démêlés avec les papes le rendait sourd aux vœux de son peuple. À cette époque tous les princes étaient alliés par le sang, et tout mariage entre parents étant interdit, les papes intervenaient sans cesse dans les affaires des rois, sous prétexte d’examiner la validité de leur mariage. Henri Ier, ayant entendu parler de la beauté d’Anne de Russie, forma le projet de l’épouser, certain qu’il ne pouvait y avoir entre eux aucun degré de parenté. En effet, c’est la première fois qu’il est question de la Russie dans nos annales, et jusqu’à présent c’est la seule alliance de ce genre contractée entre cet empire et la France. L’arrivée de la nouvelle reine fut célébrée avec beaucoup de joie ; mais cette joie fut longtemps troublée par sa stérilité. Enfin, la neuvième année de son mariage, elle accoucha d’un fils, le premier des rois de France qui régna sous le nom de Philippe : elle eut depuis deux fils et une fille. Henri Ier étant mort le 4 août 1060, sa veuve se retira à Senlis avec le projet d’y finir ses jours dans un monastère qu’elle faisait bâtir ; mais elle accorda bientôt sa maint à Raoul, comte de Crépi en Valois, quoiqu’il fut marié et que son divorce n’eût point été autorisé par l’Église ; d’ailleurs Raoul était parent de Henri Ier, et cela seul aurait suffi, dans les mœurs de ce temps, pour rendre le mariage nul. Il brava les censures de l’Église, se prépara à se défendre envers et contre tous : sa fermeté lui réussit ; mais, peu de temps après, Anne fut répudiée par ce nouvel époux, et retourna dans sa patrie, où elle termina ses jours. F-e.


ANNE de France, fille aînée de Louis XI et de Charlotte de Savoie, mariée à Pierre II, seigneur de Beaujeu, duc de Bourbon, fut choisie par son père pour gouverner la France pendant la jeunesse de Charles VIII. Ce monarque entrait dans sa quatorzième année lorsqu’il parvint au trône, le 30 août 1183. Selon l’ordonnance de Charles V, il était majeur ; mais cette majorité fictive ne diminuait pas la nécessité de confier les rênes de l’État à des mains plus fermes. Louis XI aurait pu choisir entre les princes du sang ; il préféra sa fille, et Anne de Beaujeu justifia cette préférence en dissipant avec habileté toutes les factions. Le duc d’Orléans, placé par sa naissance le plus prés du trône, après Charles VIII, ayant pris les armes pour réclamer dans les affaires du gouvernement la part qu’il croyait due a son rang, fut vaincu et fait prisonnier. Anne de Beaujeu le retint captif plus de deux ans dans la grosse tour de Bourges, et refusa constamment sa liberté aux sollicitations des grands de l’État. Plusieurs historiens prétendent que sa sévérité était moins excitée par le désir de venger l’autorité royale, que par le dépit d’avoir témoigné au duc un amour qu’il avait méprisé. Il fut mis en liberté par Charles VIII, qui alla lui-même le tirer de prison, et qui n’eut jamais à se repentir de cet acte de confiance et de générosité. Depuis cette époque, Anne perdit le crédit qu’elle avait à la cour, mais sans éprouver aucune violence. Lorsque le duc d’Orléans parvint au trône, sous le nom de Louis XII, il se plut à accabler de bienfaits celle qui l’avait persécuté, oubliant les mauvais traitements qu’il en avait reçus, pour ne se souvenir que des services qu’elle avait rendus à la France. Elle mourut au château de Chantelle, en 1522, âgée d’environ 60 ans. F-e.


ANNE de Bretagne, reine de France, naquit à Nantes le 26 janvier 1476. Ayant perdu le duc François II, son père, elle se trouva, à l’âge de quatorze ans, unique héritière du duché de Bretagne ; il se forma dans ses États plusieurs partis pour disposer de sa main, et la guerre civile éclata entre les Bretons, par suite des précautions qu’ils prirent pour assurer leur indépendance. Cette princesse était belle, d’une taille élevée, mais un peu boiteuse ; elle avait de l’esprit, une prudence au-dessus de son âge, et cette hauteur de caractère qui ne déplaît point dans les femmes de son rang, quand elle s’unit a de bonnes mœurs. Après beaucoup d’événements malheureux, qu’elle supporta avec courage, elle accorda sa main Maximilien d’Autriche, jeune encore, quoique veuf de la duchesse de Bourgogne Il l’épousa par procureur[1] ; mais la France

  1. Comme Maximilien voulait que l’union fut indissoluble, et qu’elle ne le devient qu’après la consommation. on mit la jeune mariée au lit, et l’ambassadeur autrichien, tenant à la main la procuration de son maître, introduisit sa jambe nue ; jusqu’au genou dans le lit nuptial. Toutefois les théologiens, dans la suite, ne vou-