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le vermillon de son visage ; sa grâce a monter et et à se tenir à cheval, la fermeté de sa mémoire, la promptitude de son esprit, la sûreté de sa main, soit en tenant la plume, soit en taillant les arbres, étaient pour lui une espèce d’immortalité. » On a de lui : 1° la traduction plus élégante que fidèle des Confessions de St. Augustin, in-8o et in-12 ; 2° de P’Histoire des Juifs, de Josephe, 5 vol. in-8o et in-12, et dont la meilleure édition est celle d’Amsterdam, 1681, 2 vol. in-fol., avec figures ; 3° des Vies des Saints Pères du désert et de quelques Saintes, écrites par les Pères de l’Église, 3 vol. in-8o ; 4° de l’Échelle Sainte de St. Jean Climaque ; du traité du Mépris du monde, par St. Eucher ; du Pré spirituel de Jean Moschus ; 5° des œuvres de Ste. Thérèse, in-4o, 1670 ; 6° de celles du bienheureux Jean d’Avila, in-fol. ; 7° Mémoires de sa vie écrits par lui-même, publiés par l’abbé Goujet, 2 vol. in-12, 1734, pleins de candeur et d’intérêt ; 8° poëme sur la Vie de Jésus-Christ, petit in-12 ; 9° Œuvres chrétiennes, en vers, et plusieurs autres ouvrages. N-l.


ARNAULD (Henri), frère du précédent, naquit à Paris en 1597, et annonça de bonne heure le mérite qui distinguait si honorablement tous les Arnauld. Il fut d’abord destiné au barreau. Le cardinal Bentivoglio l’emmena à Rome, et ce fut durant cette absence, qui dura cinq ans, que la cour lui donna l’abbaye de St-Nicolas, en 1624. À son retour, en 1637, le chapitre de Toul, dont il était le doyen, l’élut tout d’une voix pour évêque de cette ville, et cette nomination fut confirmée par le roi, à la prière du P. Joseph, capucin ; mais d’après les contestations survenues entre le pape et le roi sur le droit d’élire, Arnauld remercia. Il refusa aussi, en 1644, la charge de visiteur général en Catalogne, que le cardinal Mazarin fit, à son refus, donner a Pierre de Marca. En 1645, lors de la brouillerie des Barberini avec Innocent X, le comte de Lionne fit envoyer l’abbé de St-Nicolas à Rome, en qualité de chargé des affaires de France. Le négociateur traita en passant des affaires importantes dans les cours de Parme, de Modéne et de Plaisance, prit part aux mouvements de Naples, et, si ses conseils eussent été suivis, peut-être alors ce royaume eût-il été perdu pour l’Espagne. Arrivé à Rome, il trouva le pape aigri contre les Barberini, au point de faire saisir tous leurs biens. La première preuve qu’il donna de son habileté fut l’expédient qu’il suggéra pour empêcher la saisie du palais Barberini, un des plus beaux de l’Italie. Ce fut une vente simulée faite au roi de France, et conclue dans le plus grand secret. La nuit qui précéda celle où devait avoir lieu la saisie, les armes de France furent apposées aux quatre coins du palais, de sorte que lorsque les agents du pontife se présentèrent pour en prendre possession, ils furent obligés de respecter une propriété devenue française. Le pape, malgré son dépit, conçut tant d’estime pour l’abbé de St-Nicolas, qu’il lui accorda la grâce et le retour des Barberini, négociation dont Arnauld eut toute la gloire. Aussi les cardinaux de ce nom, rétablis dans leurs biens et leurs dignités, firent frapper une médaille en son honneur, et lui élevèrent dans leur palais une statue, avec ce vers que Fortunat avait composé pour St. Grégoire de Tours :

Alpibus Arvernis veniens Mons altior ipsis ;

allusion aux armes et à la patrie des Arnauld, dont la famille était originaire d’Auvergne, et dont les armes étaient une montagne. De retour en France, l’abbé de St-Nicolas fut fait évêque d’Angers en 1649, et se voua tout entier aux obligations de son état. Il ne quitta qu’une seule fois son diocèse, et ce fut pour avoir avec le prince de Tarente, et à la prière de ce seigneur une conférence, dont le résultat fut sa conversion et sa réconciliation avec le duc de la Trémouille, son père. Angers dut, en 1652, sa conservation et celle de ses habitants à son courage. Chassé de la ville par une troupe de factieux, il alla trouver la reine mère qui s’avançait pour punir cette révolte, et la trouvant inflexible, il lui dit un jour, en la communiant : « Recevez, madame, votre Dieu, qui a pardonné à ses ennemis en mourant sur la croix. » Ce peu de mots désarma la reine, qui ne fit éprouver aux rebelles que les effets de sa clémence. Cette doctrine devait avoir un grand poids dans la bouche d’un homme qui la suivait dans la pratique, au point qu’il était passé en proverbe que le meilleur titre pour obtenir des grâces de M. d’Angers était de l’avoir offensé. Il avait même une liste des noms de ceux qui lui avaient rendu de mauvais offices, et ne la consultait que pour leur en rendre de bons. Il allait tous les dimanches visiter l’hôpital et consoler les malades. Ceux à qui une noble fierté faisait dissimuler leur indigence étaient étonnés de voir à la fois leur secret pénétré, leur pauvreté secourue et leur délicatesse respectée par les ingénieuses libéralités de leur pasteur. Sa charité était aussi active que modeste. Un jour qu’il avait reçu une somme de 2,000 livres pour les lods et vente d’une terre, il n’accorda la diminution que lui demandait l’acheteur qu’a condition que le prix serait remis entre ses mains et non entre celles de ses gens d’affaires, qui auraient pu mettre obstacle à ses largesses. Dans une grande disette dont Angers fut désolé, le charitable évêque employa, en une seule fois, jusqu’à 10,000 livres pour ramener l’abondance ; et cette libéralité fut tellement secrète, que la gloire en fut attribuée au maréchal de la Meilleraie, alors gouverneur de Bretagne, et que le hasard seul en fit découvrir l’auteur. Doux, égal, d’un accès facile, il ne rebutait jamais personne, et faisait aimer jusqu’au refus, par la bonté qu’il y mettait. Ne donnant que quatre heures au sommeil, la prière, la lecture, et plus encore la visite des malades, la consolation des malheureux, ses fonctions de l’épiscopat occupaient tout son temps. Un de ses amis lui représentant qu’il devait prendre un jour de la semaine pour se délasser : « Volontiers, répondit-il, pourvu que vous me donniez un jour où je ne sois pas évêque. » Étranger aux troubles qui agitèrent alors la France, il demeura fidèle au roi. Malheureusement la querelle du jansénisme vint