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ANN

impératrice, le prince aperçut auprès d’elle un homme assez mal vêtu, à qui il fit signe de se retirer. Cet homme ne paraissant pas pressé d’obéir, Dolgorouki le prit par le bras pour le mettre à la porte. Anne l’arrêta. Cet homme, que les Dolgorouki apprirent bientôt à connaître, était Ernest Jean de Biren, qui vint gouverner la Russie, à la suite de sa maîtresse. Anne, qui avait promis d’abord d’écarter son favori, et de modifier la puissance absolue des czars, à peine montée sur le trône, dédaigna ce double engagement, et, par les conseils du prince Troubetzkoï, se lit reconnaître autocratrice de toutes les Russies. Alors Biren ne mit plus de bornes à ses fureurs et a son ambition. Les Dolgorouki furent ses premières victimes. Exilés en Sibérie, où ils purent rencontrer Mentschikoff, qu’ils y avaient envoyé, ce supplice parut encore trop doux à leur implacable ennemi. Biren les fit rappeler. Deux de ces princes périrent sur la roue, deux autres furent écartelés, trois eurent la tête tranchée ; le reste de la famille, dépouillé de tous ses biens, fut relégué loin de Moscou. Presque tous leurs amis tombèrent sous la hache des bourreaux, ou furent traînés dans les déserts de la Sibérie. Biren fit périr dans les supplices près de 12,000 personnes, et en exila plus de 20,000. On prétend que l’impératrice se jeta plusieurs fois à ses genoux, et prodigua vainement les larmes et les prières pour l’adoucir. Elle l’avait fait nommer duc de Courlande, malgré la résistance de la noblesse, qui, peu d’années auparavant, avait refusé de le reconnaître pour simple gentilhomme. Au reste, si pendant les dix années que régna sa maîtresse il remplit la cour de deuil et de terreur, il faut avouer aussi qu’il étendit et fit respecter au dehors la puissance de la Russie. Anne plaça l’électeur de Saxe, Auguste III, sur le trône de Pologne, et contraignit le sage Stanislas Leckzinski à renoncer, pour la seconde fois, à la dangereuse préférence que les Polonais lui avaient accordée. Ses armées, commandées par le célèbre Munich, secoururent l’empereur Charles VI, vainquirent les Turcs, et dispersèrent les Tatars de Crimée. Biren conserva le pouvoir, dont il abusait avec tant d’audace, jusqu’aux derniers moments de sa souveraine : en mourant, elle le nomma régent de l’empire, pendant l’enfance du prince Iwan (de Brunswick) ; mais les dernières volontés de cette princesse faible et timide ne furent pas plus respectées que celles de tant d’autres monarques qui ont occupé le trône avec plus de vigueur et de gloire. (Voy. Brunswick-Beevern, Biren, Munich, Ostermann, etc.) Anne mourut le 28 octobre 1740, à l’âge de 47 ans E-d.


ANNE PÉTROWNA, fille aînée de Pierre le Grand et de Catherine Ier, naquit en 1706, et fut mariée en 1725 à Charles-Frédéric, duc de Holstein-Gottorp. Elle jouit peu du bonheur qu’elle avait trouvé loin de la cour de Pétersbourg, alors si féconde en révolutions ; la duchesse de Holstein, également distinguée par son esprit et par sa beauté, mourut en 1728, à l’âge de 22 ans, laissant un fils unique, qui fut ensuite l’infortuné Pierre III. La mère, appelée en Russie après la mort de Catherine Ire, n’avait assisté qu’une seule fois au conseil de régence, le prince Mentschikcoff, maître de l’empire sous un monarque enfant, l’ayant forcée de se retirer à Kiel. Le fils, appelé au trône par le vœu de sa tante, l’impératrice Élisabeth, en fut précipité, après un règne de six mois, par une catastrophe bien plus funeste. (Voy. Pierre III) E-d.


ANNE ou ANNA PÉTROWNA. Voyez Tarrakanoff.


ANNE de Hongrie, fille de Ladislas VI, roi de Pologne, et sœur de Louis II, roi de Hongrie, fut une des plus belles femmes de son temps. Elle porta la couronne de Hongrie et de Bohème à son époux, Ferdinand d’Autriche, et le fit sacrer à Albe-Royale, en 1527. Deux ans après, cette princesse donna l’exemple d’un rare courage, pendant le siége de Vienne par Soliman, empereur des Turcs, et par Jean Zopolya, vayvode de Transylvanie, qui, après s’être fait couronner roi de Hongrie, s’était mis sous la protection de Soliman. Anne contribua puissamment à la défense de Vienne. En 1538, les deux concurrents se partagèrent la Hongrie, et c’est de cette époque que date la domination de la maison d’Autriche sur ce pays, qui est plutôt considéré comme faisant partie d’une autre puissance, que comme une souveraineté indépendante. Anne de Hongrie mourut à Prague, le 27 janvier 1547. Marie de Médicis et Anne d’Autriche étaient ses petites-filles. B-p.


ANNE, dernier rejeton de la seconde race des dauphins de Viennois, de la maison de Bourgogne, et restée seule héritière du Dauphiné. Elle eut pour père Guigues VI, descendant au dixième degré de Hugues Capet, et pour mère, Béatrix de Savoie, fille de Pierre, comte de Savoie, et d’Agnès de Faucigny, nièce du roi St. Louis. Du mariage de Guigues et de Béatrix étaient sortis deux fils et deux filles : 1o Jean, qui fut dauphin après son père, et mourut à 20 ans d’une chute de cheval, sans laisser aucun enfant de son mariage avec Bonne de Savoie ; 2o André, mort avant son frère, sans avoir été marié ; 3o Catherine, enlevée par un trépas également prématuré ; et 4o Anne, qui, survivant seule à toute sa famille, en recueillit tous les droits en 1282. Elle fut menacée de s’y voir troublée par son parent Robert, duc de Bourgogne, qui prétendit que le Dauphiné était un fief masculin, et qui s’en fit investir par l’empereur Rodolphe. Mais, par un bonheur singulier, Robert avait été tuteur de la dauphine, avant de pouvoir songer à se porter pour son rival, et, dès l’année 1273, il lui avait ménagé un puissant défenseur contre son agression de 1282, en lui faisant épouser Humbert de la Tour-du-Pin, possesseur de vastes domaines dans le Dauphiné, issu des anciens comtes d’Auvergne, et déjà uni par alliance à la maison delphinale, puisque, par sa mère Béatrix de Coligni, il était petit-fils de la dauphine Béatrix. Élevé d’ailleurs à la cour de Philippe le Hardi, engagé d’abord dans l’état ecclésiastique, mais sécularisé lorsque, par la mort de son frère Albert IV, il était devenu le chef et l’unique espoir de sa mai-