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qu’il avait tendues d’une muraille à l’autre, ne voulait manger que des miettes de pain et de la viande hachée dans une écuelle de bois. Dès avant le jour il parcourait les dortoirs en chantant de toutes ses forces comme les coqs, et servait ainsi de réveille matin à ses confrères[1]. Il mourut à Lyon en 1636. On a de lui : Oraison funèbre sur le déplorable trespas de très-chrétien, très-puissant et très-grand Henri IV, roi de France et de navarre, ditle à Tournon en la grande église de St-Julien, le 29 juillet 1610, imprimée dans la même ville, même année, in-4o ; et dans le recueil de Dupeyrat, Paris, 1611, in-8o. Ce discours parait avoir servi de modèle à l’éloge de Marc-Aurèle par Thomas. Il y a de l’imagination, mais le style en est pitoyable. On y remarque cette pensée : « Les rois ne sont pas rois pour eux-mêmes ; ce sont les soleils de la terre, qui font fondre sur elle leurs rayons ; les sujets sont pour eux, ils sont pour les sujets, les uns et les autres pour Dieu. » Le dimanche, 18 juin 1617, le P. Arnoux avança, dans un sermon prêché devant Louis XIII à Fontainebleau, que tous les passages cités dans la confession de foi des calvinistes sont faussement allégués. Le dimanche suivant, 25, il montra, par ordre du roi, que les articles que les ministres affirment contre les catholiques n’ont aucun fondement dans la parole de Dieu, et que la même Écriture les combat et les presse eux-mêmes par des textes bien plus clairs. Après le sermon, un gentilhomme protestant engagea le P. Arnoux à lui remettre ses preuves couchées par écrit ; ce qui fut exécuté sur-le-champ, parce que le prédicateur les avait rédigées d’avance dans un mémoire, pour ne pas ennuyer S. M. par la perte du temps qui eut coulé pendant la recherche des passages. Le gentilhomme, à l’insu du P. Arnoux, communiqua aux quatre ministres de Charenton, Montigny, Dumoulin, Durand et Mestrezat, l’écrit dont il s’était rendu dépositaire. Ces ministres publièrent, au commencement de juillet, à la Rochelle et à Charenton, in-8o, la Défense de la confession des Églises réformées de France, à la fin de laquelle ils insérèrent l’écrit du P. Arnoux, sans altération. Vers le milieu de ce mois de juillet parut la Confession de foi de MM. les ministres, convaincue de nullité par leurs propres Bibles, avec la réplique à l’écrit concerté, signé et publié par les quatre ministres de Charenton, par le P. Arnoux, 1617, in-8o. Il y prouve, suivant sa promesse, « que les protestants n’ont en l’Écriture sainte, même prise dans leurs Bibles, aucun texte formel en confirmation des articles contraires à la croyance catholique, et qu’en tous les textes cités à la marge de leur confession de foi ou dans leur écrit, pour suppléer au défaut des marges, il n’y a aucune preuve qui ne s’en aille en fumée aussitôt qu’en la regarde d’un œil ferme, toute nue et séparée de leurs explications, qui sont traditions humaines. » On y remarque principalement les deux pièces intitulée : : Diverses voies l’évasion des ministres clairement découvertes, et Réponses aux demandes des ministres. Les quatre pasteurs avaient accusé le prédicateur d’avoir mêlé dans son discours plusieurs paroles odieuses contre les réformes et d’avoir proposé l’exemple des princes allemands, qui ne souffrent en leur pays qu’une religion. Le P. Arnoux leur répond qu’à la vérité il a avancé qu’il serait possible de ramener les protestants sans violence et par la faveur royale ; mais, ajoute-t-il « Si j’avais dit autre chose contre les règlements de paix, j’aurais fait une folie qui ne serait pas sans témoins et que j’aurais réservée la trop bonne compagnie pour me faire fête avec ceux qui parlent trop ; m’étant jusqu’ici tu, selon le devoir de ma charge et la règle de mon inclination. » En 1618, Pierre Dumoulin donna les Fuites et évasions du sieur Arnoux, jésuite, in-8o ; et bientôt après le Bouclier de la foi. Il ne parait pas que le P. Arnoux ait continué cette polémique, ni aucune autre avec Pierre Dumoulin, quoique cet infatigable écrivain ait publié dans le même temps son Traité de la juste providence de Dieu, la Rochelle, 1617, in-8o, au sujet d’un écrit en sept articles, dans lesquels le P. Arnoux prouve que Calvin fait Dieu auteur du péché. Bien que le P. Arnoux ait montré beaucoup de sagesse dans l’exercice de ses fonctions, et qu’il ait répondu victorieusement aux imputations des ministres de Charenton, elles n’en ont pas moins trouvé de l’écho dans le parti. Les protestants se sont déchaînés avec fureur contre ce religieux, ils ont accumulé sur lui les invectives et les accusations d’intolérance et de persécution ; mais bien injustement, puisque dans un autre sermon prêché le jour de la Purification, il avait rappelé à Louis XIII que sa protection leur était due comme aux autres sujets, et qu’en attaquant l’hérésie il ne cessait d’inspirer à ce monarque des sentiments de modération et de douceur pour les hérétiques, ainsi que le témoignent tous les historiens, et notamment le barnabite Mirasson, qui l’a parfaitement venge de toutes ces calomnies[2]. Arnoux était habile controversiste et grand prédicateur, et cependant il a laissé peu de chose en cette double qualité. On lui attribue une relation en latin de la courte expédition qui établit la religion catholique dans le Béarn. Elle est intitulée : Bearnica christianissimi regis quinque dierum Expeditio, Lyon, 1620, in-8o, 16 pages, y compris le titre. Mais cette relation ne peut être du P. Arnoux, qui n’aurait pas parlé ainsi de lui-même : Regium concionatorem… potenti de more facundia, e suggestu tonantem, catholici pariter et hæretici æquis animis suspexere, p. 12. L’abbé Faydit raconte une anecdote assez curieuse au sujet des souvenirs de la langue naturelle. « Le P. Arnoux, prêchant à la cour, s’avisa de dire : Chacun sait où son soulier le cache (le mot est auvergnat, il signifie blesse). Un seigneur répondit tout haut : il faut qu’en soulier soit bien grand pour pouvoir cacher un homme[3]. » L-b-e.

  1. Nouvelles remarques sur Virgile et sur Homère, p. 89.
  2. Histoire des troubles du Béarn au sujet de la religion, p. 246.
  3. Nouvelle remarques sur Virgile, etc. p. 89.