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ATH

tance d’un conseil aux prévenus d’un délit de lèse majesté ; et l’Angleterre rapporte à cette réclamation le premier principe des lois plus humaines qu’elle a obtenues à cet égard ; mais, en analysant toutes les charges alléguées contre lord Russel, sir Robert Atkins se laissa encore entraîner, non pas seulement par son indignation et sa pitié, mais par un esprit de parti dont l’exaltation, quand elle est portée à ce point, franchit jusqu’aux homes de la raison. Le dernier passage qui parut exagéré, même en Angleterre, serait trouvé à peine intelligible ailleurs, surtout quand on imaginerait tout à coup de ne pas comprendre ce qu’était, juridiquement parlant, un garde du corps du roi, et Des gardes ! s’écriait Atkins, des gardes ! Quelle est la chose que la loi autorise ? quels sont les individus que la loi reconnaît sous ce titre de gardes du roi ? Et la cour, qui a instruit le procès de ce noble lord, et les juges de la loi, qui ont concouru à sa sentence, sous la religion du serment, qu’ils me disent quel jugement légal ils ont porté, quel sens légal ils ont conçu, en prononçant ce mot de gardes ? Ont-ils jamais lu dans leurs livres de loi, ont-ils jamais rencontré dans leur recueil de statuts la plus légère mention d’aucune espèce de gardes ? La loi d’Angleterre ne sait pas ce que c’est que ces gardes ; elle n’en dit pas un mot, elle n’en prononce pas le nom : l’accusation était donc vague, incertaine, radicalement nulle. Des gardes ! le roi est gardé par la protection spéciale de la toute-puissante Providence, qui a voulu qu’il régnât, et dont il est ici-bas le représentant. Le roi a, autour de lui, une garde invisible, que lui forment les anges du ciel :

Non eget Mauri jaculis nec arcu,
Nec venenatis gravida sagittis,
Crede, pharetra.

Le roi est gardé par l’amour de ses sujets, sa première, sa plus sûre garde après Dieu ; il est gardé par la loi et les cours de justice. La milice, et les bandes légalement enrégimentées, voilà la garde légale du roi, et, en même temps, la garde de tout le royaume. Que dis-je ? ces juges eux-mêmes qui ont prononcé sur la destinée du noble et infortuné lord, ils étaient les gardes du roi et du royaume ; mais ils étaient aussi les gardes de lord Russel, contre toutes les accusations erronées et irrégulières, contre tous les faux témoins, et toutes les preuves fallacieuses, contre tous ces torrents d’un esprit et d’une éloquence employés à de si malheureuses fins...., etc. » En nous arrêtant sur cette dernière phrase, qui nous paraît réunir tous les genres de sublime, la beauté du sentiment, la force de la pensée et l’énergique simplicité de l’expression, nous regretterons de la trouver, pour ainsi dire, perdue au milieu d’une si vaine déclamation, que nous avons beaucoup abrégée. Quelle est donc la société humaine, à peine initiée dans la civilisation, qui n’ait senti la nécessité de confier à une garde spéciale la sûreté d’une tête aussi précieuse que celle du chef de l’État ? Et quels juges, quels jurys, quels hommes abandonnés à leur seule raison, verront un factieux machiner la destruction de cette garde, sans en conclure qu’il en veut à la vie gardée par elle ? L’année suivante, 1684, le défenseur de lord Russel défendit avec autant de chaleur et avec plus de succès, comme avec plus de jugement, l’orateur de la chambre des communes, sir William Williams, accusé par le procureur général, devant la cour du banc du roi, comme coupable de libellé séditieux, pour avoir imprimé et publié, par ordre de sa chambre, une narration et pétition inculpant les ministres. On devine aisément que sir Robert Atkins fut un des partisans les plus zélés et des instruments les plus actifs de la révolution de 1688. Le roi Guillaume lui en témoigne sa reconnaissance, en le nommant, dans le mois de mai 1689, lord chef-baron, ou premier président de la cour de l’échiquier. Le 19 octobre suivant, il fut élu orateur de la chambre des pairs, à la place du marquis de Halifax. Il remplit ces dernières fonctions pendant quatre ans, les autres pendant six ; et âgé alors de soixante-quatorze ans, il se retira, pour le reste de sa vie, dans ses terres de Glocestershire. Il y passa encore quatorze années, tranquille et heureux avec sa bonne conscience, sa bonne renommée, ses livres et une famille dont il était chéri autant que respecté.

Il mourut à 88 ans, en 1709. Tous ses ouvrages ont été rassemblés dans un volume in-8°, sous le titre de Traités parlementaires et politiques ; on y trouve, indépendamment des écrits dont nous avons parlé, une Dissertation sur l’élection du membres du parlement, des Recherches sur le pouvoir de dispenser des lois pénales, une Défense de la juridiction ecclésiastique dans le royaume d’Angleterre ; enfin un Discours du lord chef baron de l’échiquier, le jour de la réception et prestation de serment du lord-maire de Londres, devant la cour de l’échiquier, en 1695. Ce dernier discours, célèbre alors en Angleterre, puce qu’il contenait une diatribe violente contre Louis XIV, dénonçait pour le moins autant la corruption du gouvernement anglais que l’ambition du monarque français. Quant au mérite de la composition, il est impossible de n’y pas trouver aujourd’hui plus d’esprit que de goût, plus d’humeur que de noblesse, et toujours cette espèce d’originalité qu’on appellerait plus justement de la bizarrerie. Au surplus, les auteurs de la Biographie britannique disent que « quiconque veut connaître à fond la vraie constitution de l’Angleterre, les vraies causes de la révolution de 1688, et le danger de laisser la prérogative s’élever au-dessus de la loi, ne peuvent lire un ouvrage plus instructif ni plus clair que les traités de sir Robert Atkins. »

L—T—L.

ATKINS (sir Robert), fils du précédent, né en 1614, passionné, des sa jeunesse, pour l’étude des lois et de l’histoire de son pays ; élu membre du parlement, par son comté de Glocester ; auteur, enfin, d’une histoire très-estimée de ce comté, gage de sa reconnaissance pour l’affection extrême que les habitants avaient constamment témoignée à sa famille et à lui. Il avait été élevé sous les yeux, éclairé par les lumières de son père. Le respect