Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/374

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les villes et fuyaient dans les forêts. Attila traversa la Champagne, qu’il trouva partout déserte sur son passage. Il passa la Seine, atteignit la Loire, et vint camper sous les murs d’Orléans. Les habitants, encouragés par Anianus ou Agnan, leur évêque, arrêtèrent les premiers efforts des barbares, et virent bientôt arriver à leur secours une armée commandée par Aétius, général des Romains, et par Théodoric, roi des Visigoths, établis à Toulouse. Cette armée réunissait sous ses drapeaux les Goths, les Romains, les Armoricains, les Alains, les Bourguignons et les Francs qui obéissaient à Mérovée ; à leur arrivée, le roi des Huns leva le siège, et, redoutant les suites d’une défaite au centre de la Gaule, il abandonna les bords de la Loire, et revint attendre ses ennemis dans les plaines de Chalons-sur-Marne ; bientôt les deux armées se trouvèrent en présence ; Attila, inquiet sur le sort du combat qu’il ne pouvait éviter, consulta les aruspices qui lui annoncèrent sa défaite. Le roi barbare, sans laisser voir ses inquiétudes, parcourut les rangs de son armée, rappela à ses soldats leurs anciens exploits, et leur montra (ce sont ses propres expressions) la joie d’un nouveau combat comme la récompense de leurs travaux. Il se servit habilement de la doctrine de la prédestination, si familière à presque tous les peuples guerriers, et montra à ses compagnons la vengeance du ciel prête a éclater sur la tête des lâches. Enflammés par les discours et par la présence de leur chef, les Huns étaient impatients de combattre ; Attila rangea son armée en bataille, et s’avança à la tête de l’élite de ses guerriers. Après avoir, selon le langage des historiens, obscurci l’air d’un nuage de flèches et de javelots, l’infanterie et la cavalerie des deux armées se joignirent et combattirent corps à corps. Les Huns enfoncèrent le centre de l’armée ennemie, séparèrent les deux ailes, et réunirent tous leurs efforts pour accabler et détruire l’aile gauche. Attila se croyait déjà sûr de la victoire, lorsqu’un corps de réserve, commandé par Thorismond, fils de Théodoric, descendit des hauteurs voisines, attaqua l’armée des Huns avec impétuosité, porta le désordre et la mort dans leurs rangs ; Attila, pressé de toutes parts, se retira avec peine dans son camp, où la nuit sauva les débris de son armée. L’intrépide barbare se fit des retranchements avec des chariots et des bagages, et, dans son désespoir, il fit dresser un bûcher pour s’y précipiter lui-même, plutôt que de tomber vivant entre les mains de ses ennemis. Les vainqueurs et les vaincus passèrent la nuit dans les alarmes ; 160 000 morts, selon quelques historiens, couvraient le champ de bataille ; on avait vu dans l’une et l’autre armée les enseignes des Goths et des Francs, divisés entre eux, et combattant, les uns pour Rome, les autre pour Attila. Les Romains durent s’applaudir de voir les barbares aux prises avec les barbares, et montrèrent peu d’ardeur à poursuivre les avantages de cette journée. Les soldats de Théodoric, morts dans la mêlée, hésitaient d’attaquer Attila vaincu ; le préfet Aétius semblait redouter que les Goths et les Francs, ces dangereux auxiliaires de Rome, n’eussent plus d’ennemis à combattre. Au milieu de ces hésitations, Attila se préparait à la retraite ; son historien le compare au lion dans sa caverne, environné de chasseurs effrayés à son aspect. Tout porte à croire qu’après sa défaite il conservait encore des forces redoutables, car il ne fut abandonné par aucun de ses alliés. Les Goths se retirèrent dans les provinces méridionales de la Gaule. Aétius quitta les bords de la Marne ; Attila, toujours enfermé dans l’enceinte de ses chariots, s’étonna d’être resté seul dans les plaines de Chalons. Redoutant quelque stratagème, et manquant de vivres dans un pays qu’il avait ravagé, il se retira vers le Rhin, et sa retraite, qui ne fut troublée que par les Francs de Mérovée, apprit enfin aux peuples des Gaules que le fléau de Dieu avait été vaincu. Attila, plus irrité que découragé, reçut bientôt des renforts ; et le monde se demanda sur quel pays, sur quel trône allait éclater sa colère, sur quel peuple il allait venger la honte de sa défaite. Il résolut d’attaquer l’Italie. Pour la seconde fois, il réclamait comme son épouse Honoria, sœur de Valentinien III. Cette princesse, après avoir déshonoré son rang par sa conduite, avait imploré l’appui d’Attila contre sa propre famille, et demandé au monarque barbare d’être admise au rang de ses épouses ; le roi des Huns, peu scrupuleux sur l’honneur des princesses, avait saisi cette occasion de se déclarer le champion de la beauté persécutée ; mais comme ses idées chevaleresques n’étaient pas tout à fait désintéressées, ce terrible chevalier exigeait qu’on lui cédât, avec la main d’Honoria, la moitié des provinces de l’empire. Il entra en Italie, à la tête d’une armée formidable : tandis que l’empereur tremblant envoyait au roi des Huns des ambassades inutiles, Attila prenait et détruisait Aquilée ; il réduisait en cendres Padoue, Vicence, Vérone et Bergame, et ravageait les plaines de la Lombardie. Tous les habitants des villes et des campagnes fuyaient à son approche : les uns se réfugiaient dans les Alpes, les autres dans les Apennins. Les peuples de la Vénétie allèrent chercher un asile dans les lagunes de la mer Adriatique, et fondèrent Venise, qui doit ainsi son origine à la terreur qu’inspirait Attila. En entrant dans le palais de Milan, Attila aperçut un tableau qui représentait l’empereur des Romains assis sur un trône, et les princes de Scythie prosternés à ses pieds ; il ordonna au peintre d’effacer ce tableau et de représenter sur la même toile le roi des Huns assis sur son trône, et les empereurs romains déposant à ses pieds des sacs d’or. Les spectateurs applaudirent sans doute à ce changement, et l’Italie ne tarda pas à s’apercevoir que le tableau ordonné par le roi des Huns était d’une effrayante vérité. L’empire d’occident n’avait point d’armée pour sa défense ; l’empereur, le sénat et le peuple de Rome eurent recours aux larmes et aux supplications ; le pape Léon Ier exposa sa vie pour sauver son troupeau, et se rendit dans le camp d’Attila avec les ambassadeurs romains ; on proposa au roi des Huns de lui abandonner tous les droits de la princesse Honoria ; cette proposition, la soumission des Ro-