Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 2.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Isle, en Périgord, et y fut tué d’un coup de mousquet.

AUBETERRE (Joseph-Henri Bouchard d’Esparbès, marquis d’), maréchal de France, naquit, le 21 janvier 1711, d’une famille ancienne par sa noblesse et illustre par les personnages qu’elle a produits. Son cinquième aïeul était maréchal de France sous Henri IV ; et l’on trouve avant lui dans cette maison plusieurs militaires distingués, entre autres un chevalier de l’ordre du St-Esprit. Joseph-Henri embrassa de bonne heure la profession des armes. Mousquetaire à seize ans et colonel à vingt-quatre, il commença dès cette époque à signaler son courage. À la bataille de Dettingen, sur le Mein, en 1743, il reçut une blessure au bras, et en 1744 un coup de feu au travers du corps, a l’attaque de Chateau-Dauphin, en Piémont. Sa valeur, qu’il sut communiquer à tous les siens, contribua puissamment à la prise de cette forteresse, qui fut longtemps disputée. Un avancement rapide devint le prix de ces exploits. Maréchal de camp en 1748, le marquis d’Aubeterre fut fait chevalier des ordres en 1757, lieutenant général en 1758, et conseiller d’État d’épée en 1767. Dans cet intervalle, il fut chargé par Louis XV de plusieurs négociations importantes. Successivement ambassadeur à Vienne, à Madrid et à Rome, il déploya dans tous ces emplois éminents des talents supérieurs. L’auteur de la Vie de Clément XIV le cite comme une autorité en faveur de ce grand pontife, et s’exprime ainsi page 268 : « M. le marquis d’Aubeterre, dont toutes les cours admirèrent la sagesse et la sagacité, disait hautement, pendant son ambassade à Rome, que le cardinal Ganganelli était celui du sacré collége qui méritait mieux d’occuper le trône pontifical ; et c’est en conséquence de l’opinion qu’il en avait qu’il s’intéressa vivement à son installation. » Après avoir passé successivement par les plus hauts grades de l’armée, et rempli les premières ambassades avec autant d’honneur que de succès, le marquis d’Aubeterre crut pouvoir jouir du repos dont une vie toujours active l’avait privé jusqu’alors, quand son mérite et ses talents reconnus le tirent nommer commandant de Bretagne, en 1775. Cette place était d’autant plus difficile à remplir dans un pays d’états que le commandant, en faisant exécuter les ordres de la cour, se trouvait souvent en opposition avec les états, qui croyaient voir dans ses opérations la violation de leurs privilèges. Le marquis d’Aubeterre exerce un emploi si délicat avec tant de sagesse et d’habileté, qu’il mt concilier les intérêts du gouvernement avec les droits de la province. Il avait alors pour secrétaire M. Cacault, qui, depuis, fut ministre à Rome. Il obtint le bâton de maréchal de France le 15 juin 1785, et mourut à Paris, le 28 août 1788, dans la 75e année de son âge. Quoique marié, d’abord à mademoiselle de Jonzac, puis à mademoiselle de Scépeaux, il n’a point eu de postérité ; et ses biens ont passé aux maisons de Bourdeille-Matha et de Baderon St-Geniez.

Z.


AUBIGNAC (François Hédelin, plus connu sous le nom, d’abbé d’), naquit à Paris, le 1er août 1604, de Claude Hedelin, avocat au parlement, et de Catherine Paré, fille du célèbre chirurgien Ambroise Paré. Après avoir achevé ses études, il exerça la profession d’avocat à Nemours, où son père avait acheté la charge de lieutenant général. Il abandonna bientôt le barreau pour l’état ecclésiastique, et devint précepteur du duc de Fronsac, neveu du cardinal de Richelieu. Peu de temps après, François Hedelin fut pourvu de l’abbaye d’Aubignac (dont le nom lui est resté), puis de celle de Mainac. L’élève, devenu majeur, fit à son maître une pension de 4 000 liv., pour laquelle d’Aubignac eut un procès à soutenir après la mort du duc, en 1646. Cette mort fut, pour l’abbé d’Aubignac, un coup de foudre qui lui fit perdre les pensées de la fortune et des plaisirs de la vie. Il continua cependant à s’occuper de littérature. Sur la fin de ses jours, il se retira à Nemours, où il mourut le 25 juillet 1676. D’Aubignac fut en liaison ou en querelle avec tous les beaux esprits de son temps. Il s’était brouillé avec Ménage et avec P. Corneille, et, de part et d’autre, on publia des épigrammes et des brochures. Les épigrammes n’ont pas été recueillies ; les brochures subsistent encore. Celle que l’abbé d’Aubignac fit imprimer contre Ménage est intitulée : Térence justifié, ou deux Dissertations sur la troisième comédie de Terence, intitulée : Heautontimorumenos, contre les erreurs de M. Gilles Ménage, avocat au parlement, Paris, 1656, in-1o . Elle contient la brochure publiée seize ans auparavant, sous le titre de Térence justifié, à l’occasion d’une conversation entre Ménage et d’Aubignac. Ce dernier, qui avait donné quelques conseils à P. Corneille, le vantait partout, et en fit l’éloge dans sa Pratique du Théatre. Irrité de voir que, dans l’examen de ses tragédies, P. Corneille ne faisait nulle mention de lui, d’Aubignac se déchaîna contre ce grand homme, et, saisissant toutes les occasions de l’attaquer, il lit imprimer deux Dissertations concernant le poëme dramatique, en forme de remarques sur les deux tragédies de M. Corneille, intitulées : Sophonisbe et Sertorius, Paris, 1665, in-12. Corneille, alarmé, s’en plaignit hautement, et voulut faire arrêter l’impression ; n’ayant pu en venir à bout, il engagea un de ses amis à publier les Défenses de la Sophonisbe et du Sertorius. L’abbé d’Aubignac y répliqua par ses Troisième et quatrième Dissertations concernant la tragédie de M. Corneille, intitulée : Œdipe, et Réponse à ses calomnies, 1665, in-12. Quoique l’abbé d’Aubignac réponde directement à Corneille, il ne faut pas croire que celui-ci fût l’auteur de ses Défenses. Outre les ouvrages dont nous venons de parler, on en doit beaucoup d’autres à l’abbé d’Aubignac ; les principaux sont : 1o  Traité de la nature des Satyres, Brutes, Monstres et Démons, 1627, in-8o, que quelques-uns attribuent un autre François Hédelin ; 2o  la Pratique du Théatre, 1657, ou 1669, in-4o. Les exemplaires sous ces deux dates sont de la même édition ; réimprimés en 1718 à Amsterdam, 2 vol. in-8o. Cette édition contient le Discours de Gilles Ménage sur l’Héautontimorumenos, et le Térence justifié. D’Aubignac travailla jusqu’à la fin de sa vie à retoucher la Pratique du Théâtre, et y ajouta un chapitre entier sur les discours de