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les anciens Grecs et Romains ont usé en accusations publiques, conféré à l’usage de notre France, Paris, in-4°, réimprimé en 1610 et 1612. Dans ce dernier ouvrage, divisé en 4 livres, on reconnaît le magistrat éclairé, le bon citoyen, et l’homme courageux qui ne craint pas de signaler les vices de l’administration. Convaincu de cette vérité qu’on ne saurait trop répandre, vérité consignés dans le préambule de l’ordonnance de 1485, « que les royaumes sans bon ordre de justice n’ont ni durée ni fermeté aucune, » Ayraut fit connaître le danger des nouvelles procédures établies par le chancelier Poyet (voy. ce nom). Pierre Ayraut remplit la charge de lieutenant criminel dans sa patrie avec tant d’équité et d’exactitude, qu’il fut appelé l’écueil des accusés. Angers s’honora de lui avoir donné naissance, et lui témoigna son estime en lui accordant la charge d'échevin perpétuel. Pendant les désordres de la ligue, il exerça, par intérim, la charge de président au présidial de cette ville, partageant son temps entre les devoirs de sa charge et l’éducation de ses enfants ; ce qui n’empêcha pas qu’il ne fut accusé de servir le parti de la ligue ; mais la place de maître des requêtes qu’il obtint près du duc d’Anjou, depuis Henri III, prouve la confiance qu’on avait dans ses principes. Le discours qu’il prononça, en 1589, sur la mort de Henri III, et la lettre qu’il écrivit ensuite à Henri IV, pour le déterminer à embrasser la religion catholique, prouvent mieux encore combien il était attaché a son souverain. Celui de tous ses ouvrages qui a le plus contribué à le faire connaître des étrangers, et surtout des protestants est le traité qu’il fit en français et en latin, intitulé : de Jure patrio, ou de la Puissance paternelle, Paris, 1595, in-8°, ouvrage ou l’on remarque avec plus d’intérêt encore l’insu-union, l’éloquence et la chaleur de sentiment d’un père au désespoir. Pasquier, Bodin, parlent de ce traité avec le plus grand éloge ; Ménage, petit-fils d’Ayraut, et l’un des hommes les plus distingués de son temps qui a écrit la vie de son aïeul en latin, le compare, dans cette occasion, a la plaintive Philomèle, qui pleure ses petits qu’on vient de lui ravir. Pierre Ayraut avait épousé Anne Desjardins, fille du médecin de François Ier. Quinze enfants, dont il laissa dix vivants a sa mort, furent le fruit de cet heureux mariage. Parmi cette nombreuse famille, Pierre Ayraut distingua dans son fils ainé, dès son bas âge, un esprit vif, pénétrant, et il se glorifiait de trouver en lui un digne successeur. Il l’envoya à Paris, chez les jésuites, qui, charmés des heureuses dispositions du jeune René, mirent tout en usage pour le fixer parmi eux, et le déterminèrent, en 1586, à prendre l’habit de leur ordre. Ayraut, indigné, leur fit sommation de lui rendre son fils. Les jésuites le firent évader, et répondirent qu’ils ne savaient ce qu’il était devenu. Ayraut demande une enquête, obtient arrêt du parlement, qui ordonne aux jésuites du collège de Clermont de ne point recevoir René Ayraut, et de communiquer cet ordre à tous les autres collèges. Les jésuites n’ayant point obéi à cet arrêt. Ayraut parvient à le faire appuyer par son souverain, et il présente une requête au pape : le souverain pontife cède à de pressantes sollicitations, et se fait présenter le rôle où étaient les noms de tous les jésuites ; mais celui de René Ayraut ne s’y trouve pas : les jésuites l’avaient autorisé à prendre un autre nom. Le secret fut inviolablement gardé, et, malgré la protection de son souverain et celle même du chef de l’Église, Pierre Ayraut ne put rien obtenir. Ce fut alors qu’après trois ans de peine et de recherches inutiles, ce père infortuné, espérant de sa plume ce que n’avaient pu lui procurer ses sollicitations, compose son traité de Jure patrio, dont nous avons déjà parlé. Ce moyen ne lui réussit pas davantage, et la douleur qu’il en éprouva abrégea ses jours. Il mourut en 1601, âgé de 65 ans. Huit ans avant sa mort, il avait pris la résolution de priver son fils de sa bénédiction, par acte passé devant notaire en 1593 : mais cette même tendresse paternelle dont il avait donné tant de preuves surmonte encore son juste ressentiment ; car, à sa mort, on trouva parmi ses papiers un écrit dans lequel il donnait à son fils sa bénédiction. Ce fils, au surplus, ne paraît pas avoir justifié les espérances que les jésuites avaient conçues de lui. D’un caractère ardent, obstiné, sacrifiant tous les sentiments de la nature à l’enthousiasme qu’on lui avait inspiré pour son nouvel état, il ne craignit pas de réfuter son père, qui lui avait adressé son livre. Les jésuites, contents de leurs succès, mais peut-être honteux de leur conduite, ne jugèrent pas à propos de publier cette réfutation de l’ouvrage

de Pierre Ayraut, sous le nom du véritable auteur. Ils la firent paraître sous celui du Provincial des jésuites de Paris. On a attribué leur conduite envers Ayraut à un plaidoyer qu’il avait fait contre eux pour les curés de Paris, et dans lequel il les avait fort mal traités. Ce plaidoyer fait partie de la collection déjà citée. — Son fils René, successivement régent, et enseignant la rhétorique, la philosophie, la théologie dans différentes villes, recteur à Reims, à Sens, à Besançon, procureur de la province de Champagne, puis de celle de Lyon, mourut à la Flèche, en 1641, après avoir passé par les premiers emplois de son ordre.

M-x.


AYRER (Jacques). Voyez Eyer.


AYRER (George-Henri), jurisconsulte distingué, né à Meiningen, le 15 mars 1702, mort le 23 avril 1774, à Gorttingue, où il était professeur de droit et doyen de la faculté de jurisprudence ; il avait fait ses études à Iéna, et la première période de sa vie avait été consacrée à l’éducation de quelques jeunes seigneurs. À l’exemple d’Heineccius, il avait joint l’étude des classiques à celle du droit, et écrivait en latin avec une élégance remarquable. Il a traduit de l’anglais et enrichi de notes intéressantes la dissertation de Blackwell, sur la prééminence des anciens. Ses nombreuses dissertations, dont Adelung a donné les titres dans ses Suppléments au Dictionnaire des Savants de Jœcher. prouvent l’étendue de son érudition et la solidité de sa logique. La plupart d’entre elles ont été recueillies sous le titre de : Opuscula oarii argumenti, 2 vol., Goettinguo, 1716-11, in-8°, et de : Sylloge nom Opusc. min.

odrii argus, ihid., 1752.

G-T.