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Cet arrière-petit-fils de Tamerlan, digne héritier d’une partie des immenses conquêtes de son aïeul, occupe une place importante dans les annales de l’Asie. Ses opérations militaires et politiques, moins brillantes que solides et durables, mériteraient d’exercer la plume d’un habile écrivain européen, et nous regrettons d’être réduits à n’en tracer ici qu’une faible et rapide esquisse. Babour naquit à Indidjah, le 6 de mohharrem 888 (14 février 1485). Omer-Cheik, son père, régnait sur les provinces situées entré Samarcande et l’Indus ; les deux principales villes de ce royaume, formé d’une partie des débris des conquêtes de Tymour (Tamerlan), étaient Indidjah et Ferghanah. Le jeune prince montra des dispositions si extraordinaires et si prématurées, que, dès l’âge de douze ans, il fut chargé du gouvernement d’Indidjah. Son père étant mort le 4 ramadan 899 (9 juin 1494), il fut proclamé par les grands, et d’un aveu unanime, souverain de l’empire mogol, dans la Tatarie occidentale et dans le Koraçan. Kous suivons ici l’opinion de Ferichtah, relativement à la date de cette inauguration, qui, selon le Tarykhi monlekheb lubab, n’eut lieu qu’en 901. Ce fut alors qu’il prit le titre de Zehyr eddyn (protecteur de la religion). Dès lors il conçut le projet, comme il nous l’apprend lui-même dans ses Commentaires, de conquérir l’Indoustan ; il lit même quelques tentatives ; mais parmi les frères de son père, plusieurs voulurent profiter de la jeunesse et de l’inexpérience de leur neveu pour s’emparer de ses États. À peine eut-il exterminé ces injustes agresseurs, que les rois de Kachgar et de Khoten, descendants, comme lui, de Tymour, lui tombèrent sur les bras. Après avoir repoussé avec avantage ces différentes attaques, il voulut prendre l’offensive et marcha sur Samarcande. Cette ville ne tarda pas à capituler, afin de se soustraire aux horreurs du pillage. Les soldats de Babour, irrités de se voir privés d’une si belle proie, l’abandonnèrent ; la ville nouvellement soumise se révolta, et le vainqueur se trouva réduit aux dernières extrémités. Secondé d’une poignée de braves, il recouvra ses États, envahis en son absence, et se ressaisit de Samarcande, en 906 (1500-1501), autant par la ruse que par la force de ses armes ; car il joignait l’astuce à la bravoure. Nous ne devons même pas dissimuler qu’on pourrait lui reprocher de la perfidie ; nous citerons pour preuve sa conduite à l’égard du roi de Kandoz, qui l’avait accueilli avec empressement, et qu’il paya de ses bons offices en provoquant une insurrection dans la capitale même de ce petit souverain, qui fut obligé d’abandonner ses États pour sauver ses jours. Babour s’en empara, et poursuivit sa marche vers le Kaboulistan, qu’il eut aussi bientôt rangé sous son obéissance. En 910 (1504-5), une conduite bien différente de celle qu’il avait tenue à l’égard du roi de Kandoz lui valut l’acquisition du Caudahar. En 913 (1507-8), au moment de livrer bataille à des rebelles du Kaboul, il s’élança en avant de son armée, défiant les plus braves de ses ennemis à un combat singulier. Cinq officiers supérieurs se présentèrent et mordirent successivement la poussière. Leur armée, pénétrée d’admiration et de terreur, refusa de combattre et mit bas les armes. La conquête du Kaboulistan et du Candahar procurait à Babour des renseignements fréquents et exacts sur l’état de l’Indoustan, et lui facilitait même l’accès de cette contrée. Il prit la résolution d’en profiter. Les troubles survenus dans la cour de Dehli, pendant le règne du faible Ibrahim Lody, étaient très-favorables pour l’exécution de ce grand projet, formé depuis longtemps, mais dont Babour ne s’occupa sérieusement qu’en 924 (1518). À cette époque, il lui naquit un fils qu’il nomma Indol, comme un heureux présage de la conquête de l’Indoustan, dit Ferichtah. En 925, il passa l’Attock (c’est un des noms de l’Indus) ; mais il fut bientôt oblige de revenir sur ses pas, pour calmer des séditions qui avaient éclaté dans ses États en son absence. Le 1er rabyi 932 (16 décembre 1525), Babour, suivi seulement de 10,000 cavaliers d’élite, passa l’Indus, dans l’intention d’attaquer le monarque au centre de ses États. Quelques officiers de ce dernier firent mine de lui résister dans le Pendjab ; mais ils n’attendirent pas même l’arrivée des Mogols. Le conquérant n’éprouva donc qu’une bien faible résistance ; il poursuivit sa marche victorieuse jusqu’aux environs de Dehli. L’un de ses postes avancés s’étant emparé d’un grand nombre de prisonniers, Babour eut la cruauté de les faire tous égorger, afin de répandre la terreur parmi les Indiens. Ensuite il alla camper dans la plaine de Pannibet, où devait se décider le sort de l’Indoustan. Le 7 redjeb 932 (27 avril 1526), les deux armées se trouvèrent en présence. Babour rangea ses 10,000 hommes sur deux lignes, formant quatre divisions, munies chacune d’un corps de réserve : il avait eu soin de faire amarrer ses pièces de canon les unes avec les autres, pour qu’elles ne fussent pas démontées par les éléphants. Pour Ibrahim, qui n’avait aucune idée de l’art de la guerre, il n’adopta aucun ordre de bataille : plein de confiance dans ses 100,000 combattants et ses 1,000 éléphants, il espérait écraser les Mogols par le nombre seul de ses troupes ; mais leur déroute fut complète, et le malheureux Ibrahim, plus brave qu’expérimenté, se fit tuer dans l’action. Le mardi 12 redjeb, le vainqueur fit son entrée triomphante dans Dehli. Le prône fut fait en son nom par le ssedr ou pontife Zein-eddyn. Il ne garda pas pour lui une seule pièce d’or du trésor impérial ; une partie fut distribuée à l’armée ; il envoya l’autre à ses sujets du Kaboul et de Samarcande. Il se rendit peu de jours après (le 21 redjeb) à Agrah ; cette capitale ouvrit ses portes et se soumit. La prise de ces deux villes importantes et la mort du monarque indien ne suffisaient pas pour assurer à Babour la paisible possession de son nouveau royaume. Continuellement occupé à réduire des factieux ou à étouffer des factions naissantes, il passa dans de continuelles agitations les cinq années qui s’écoulèrent entre la conquête de l’Inde et sa mort trés-prématurée. Nous ignorons si ce furent les fatigues ou quelque breuvage perfide qui le conduisirent au tombeau dans la 49e année de son âge ;