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ANTISTATEES. Voyez Autistates.


ANTISTHÈNES, fils d’une femme thrace ou phrygienne, et d’un père du même nom que lui, naquit à Athènes, vers la seconde année de la 89e olympiade. Dans sa jeunesse, il reçut des leçons du sophiste Gorgias, et suivit pendant quelque temps la profession de rhéteur ; mais ayant entendu Socrate, il abandonne bientôt les vains ornements de l’éloquence pour se livrer tout entier à l’étude de la philosophie. Chaque jour il faisait un trajet de 40 stades pour se rendre du Pirée, lieu de sa résidence, auprès du fils de Sophronisque. Ce fut dans les principes de ce philosophe qu’il puisa cet enthousiasme de la vertu, cette haine vigoureuse du vice, qui, portés au delà des justes bornes, si toutefois de tels sentiments peuvent être trop fortement prononcés, firent, du disciple d’un sage, le fondateur de la secte cynique. Socrate, ennemi des sophistes, et dédaignant l’esprit systématique, ne s’était attaché qu’à la connaissance du cœur humain, qu’au moyen de rendre l’homme meilleur. Platon, s’emparant des préceptes du maître, les revêtit des charmes de l’éloquence, des brillantes spéculations d’une métaphysique élevée. Il ennoblit l’étude de l’homme, mais parla plus souvent a l’esprit qu’au cœur. Antisthènes, instruit par Socrate que le bonheur consiste dans la vertu, fit résider cette vertu dans le mépris des richesses, des grandeurs, des sciences, de la volupté. Il voulut, comme on l’a dit ingénieusement, réduire l’esprit et le corps au strict nécessaire. Il revêtit le fameux pallium, et parut en public, la besace sur l’épaule, un bâton à la main. Cette affectation n’échappa point à Socrate : « Je vois, lui disait-il, ton orgueil à travers les trous de ton manteau. » Cependant il faut être juste ; si Diogène, par la fermeté de son âme, par la vivacité de son esprit, par originalité de ses expressions, surpassa de beaucoup les philosophes cyniques qui lui succédèrent, Antisthènes sut mettre plus de dignité dans sa conduite : il fut constamment un citoyen vertueux. Le premier, il osa poursuivre les deux accusateurs de Socrate, et fut la cause de l’exil de l’un, et de la mort de l’autre ; fait que néanmoins l’abbé Barthélemy a révoqué en doute. Il était d’un commerce agréable, et Xénophon fait son éloge dans son Banquet. Après la mort de Socrate, il s’établit dans le Cynosarge, gymnase d’Athènes ; et l’on a prétendu que ce fut du nom de ce lieu que vint celui de sa secte. Les apophtegmes d’Antisthènes sont connus de tout le monde. Il avait écrit un grand nombre d’ouvrages, dont on peut voir la liste dans Diogène Laërce. Il nous reste sous son nom des lettres, imprimées avec celles des autres socratiques, et deux déclamations, l’une d’Ajax, l’antre d’Ulysse, que l’on trouve aussi dans la collection des orateurs grecs donnée par Henri Estienne, et dans celle imprimée à Venise, Alde, 1513, in-fol., mais les premières sont évidemment supposées ; et, quant aux déclamations, il est fort douteux qu’elles soient authentiques. Au lit de la mort, comme il souffrait beaucoup : « Qui me délivrera de mes maux ? s’écria-t-il. — Ce fer, lui dit Diogène, en lui présentant un poignard. — C’est de mes maux, et non de la vie, que je voudrais me délivrer. » repartit Antisthènes. On ignore l’époque précise de sa mort. Il fut le maître du célèbre Diogène. D-l.


ANTOINE (Marc), appelé l’orateur, se fit un nom dans sa jeunesse, par des accusations qui sont quelquefois un devoir dans les républiques. Il savait aussi défendre les accusés avec un grand zèle. Dans la cause qu’il plaida pour Aguillius, il poussa si loin le pathétique, en pleurant lui-même, et en découvrant la poitrine de son client, couverte de cicatrices, qu’il triomphe de ses juges. L’action dont il accompagnait son débit était d’une vigueur extraordinaire. Il ne passait pas pour avoir de l’érudition, et ne mettait pas au jour ses plaidoyers, ne voulant pas qu’on pût lui opposer dans une affaire ce qu’il avait dit dans une autre. Il fut honoré du consulat et de la censure, et gouverna la Cilicie en qualité de proconsul. Cicéron le regardait comme un des hommes les plus éloquents de la Grèce. Proscrit par Marius, il fut mis a mort l’an de Rome 667, et l’on vit sa tête attachée à la tribune où il avait défendu courageusement la république, et qu’il avait, pendant sa censure, ornée des dépouilles des vaincus. Les circonstances de sa fin déplorable sont racontées par Plutarque dans sa Vie de Marius. Cet orateur était l’aïeul de Marc Antoine le triumvir. Q-R-y.


ANTDINE (Marc), fils de Marc Antoine l’orateur, et père du triumvir de ce nom, était préteur, l’an de Rome 679. Il obtint par la faction de Céthégus, et par le crédit du consul Cotta, un commandement illimité sur toutes les côtes, et fit en Cilicie une expédition assez heureuse contre les pirates ; mais il se déshonora en Sicile par ses exactions et ses rapines. Cicéron reproche à Verrès de justifier ses brigandages par l’exemple d’Antoine. Ce dernier porta la guerre en Crête, ce qui lui fit donner le surnommé de Crétique ; il la fit sans succès, et y périt. Q-R-y.


ANTOINE (Marc, le triumvir), le triumvir, était petit-fils et fils des précédents. Il avait pour mère Julia, de la famille de César, et femme d’un mérite distingué ; il naquit l’an 86 avant J.-C., et fut élevé sous la direction de sa mère. Jeune encore, il devint ami intime de Curion, qui lui donna des leçons de débauches, et lui fit contracter des dettes nombreuses. Marc Antoine se lia ensuite avec Clodius, autre libertin fameux ; mais alarmé de la témérité de sa conduite, il alla en Grèce, où il étudia l’éloquence et l’art militaire. Tandis qu’il était en ce pays, le consul Gabinius le pressa de faire avec lui une campagne en Syrie, et lui donna un corps de cavalerie à commander. Antoine déploya beaucoup de courage et d’activité, particulièrement contre Aristobule, chef des Juifs, qui tentaient de secouer le joug de Rome ; il accompagna ensuite Gabinius dans une expédition en Égypte, dont le but était de rétablir Ptolémée sur le trône, et là encore il se signale en se frayant une route à travers les marais, et en s’emparant de Peluse ; il fit aussi preuve d’humanité en empêchant Ptolémée de mettre a mort les habitants de cette ville. Il se rendit très-agréable aux soldats, en affec-