Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 23.djvu/249

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rances ; les dessins et les tableaux qu’il avait commencés furent brûlés ; lui-même fut fait prisonnier par les soldats du duc de Bourbon, qui le retinrent pour en obtenir une rançon à laquelle il n’échappa qu’en se sauvant en chemise pendant une nuit, à travers les plus grands périls. Il revint dans sa patrie, d’où la peste le chassa de nouveau. À son retour, il y fut chargé de l’exécution de plusieurs tableaux, parmi lesquels on conserve encore une Adoration des mages, dans le couvent des capucins. Enfin Vasari cite comme deux ouvrages très-remarquables de cet artiste une Judith mettant la telle d’Holopherne dans une corbeille tenue par une esclave, et un St-Jean-Baptiste dans le désert. On regrette que le temps donné à ses plaisirs ait été perdu pour l’art ; et lui-même, sur la fin de sa carrière, se repentit plus d’une fois d’avoir négligé ses études. Il mourut dans sa patrie, en 1552, des suites d’une fièvre aiguë. Parmi ses élèves, Barthélemy Torri, d’Arezzo, mérite surtout d’être cité. P—s.


LAQUEUILLE (le marquis de), maréchal de camp dans les armées du roi de France, avant la révolution, fut député aux états généraux par la noblesse de la sénéchaussée d’Auvergne, sa patrie. Il se lit remarquer dans son ordre, et ensuite à l’assemblée constituante, par la vigueur avec laquelle il défendit la monarchie, telle qu’elle était constituée avant la convocation des états. Voyant que ses etforts étaient inutiles, il donna sa démission dès le mois de mai 1790, prétextant l’expiration de ses pouvoirs, que l’assemblée n’avait pas eu le droit de changer ni de prolonger. Après avoir protesté contre tout ce qui s’était passé contrairement au système de l’ancienne monarchie, le marquis de Laqueuille sortit de France et se retira dans la Belgique. Lorsque la guerre de l’émigration fut arrêtée, on le chargea de lever des troupes dans les Pays-Bas, et les princes lui donnèrent le commandement des volontaires nobles assemblés sur ce point. Le 27 octobre 1791, il répondit au roi au nom de la noblesse émigrée qu’il avait invitée à rentrer en France, et expliqua les motifs qui l’empêchaient « d’obtempérer aux désirs du monarque. Ces motifs étaient puisés dans l’état d’oppression où se trouvait ce malheureux prince, forcé d’agir contre ses véritables intentions. Le marquis de Laqueuille fut décrété d’accusation, par l’assemblée législative, le 2 janvier 1792. La même accusation fut portée le même jour et par le même acte contre Monsieur, depuis roi de France, contre le prince de Condé et contre le vicomte de Mirabeau. Dans la campagne des Français émigrés, en 1792, le marquis de Laqueuille commanda la noblesse d’Auvergne, avec le titre d’adjudant général du comte d’Artois, et continua assez longtemps son service. On connaît l’issue de cette expédition (voy. Dumouriez). Après le licenciement, le marquis de Laqueuille vécut dans la retraite, en Allemagne, et il rentra en France lorsque Bonaparte y fut maître du pouvoir ; tous ses biens avaient été vendus, et il était sans ressource. Il mourut à Paris en 1810, dans un état voisin de l’indigence et dans un âge avancé. B-u.


LAQUINTINIE. Voyez Quintinie.


LARAUZA (Jean-Louis), un des maîtres de conférences de l’ancienne école normale. Né le 8 mars 1793 à Paris, il perdit, encore en bas âge, son père et sa mère, et resta presque sans fortune. Si un oncle n’eût fait à peu près tous les frais de son éducation, il eût été forcé de discontinuer ses études. Admis à l’école normale, tout nouvellement créée alors, il se recommanda plus par la sagesse de la tenue que par le brillant du langage ou la facilité de l’intelligence. En quittant l’école, il fut nommé professeur agrégé pour les hautes classes au collège de Montpellier ; et l’année suivante, il alla remplir la chaire de rhétorique à celui d’Alençon. De là, il revint à Paris. L’école normale venait de subir une réorganisation : les élèves admis devaient désormais rester trois ans ; et plus de chaires, ou plus exactement plus de conférences, se trouvaient en disponibilité. Larauza s’en vit donner une : ce fut celle de grammaire générale. Il n’avait alors que vingt-trois ans. Vivant avec la plus stricte économie, Larauza ne cherchait des distractions que dans la musique et les voyages. Dans les vacances de 1820, il parcourut à pied toutes les vallées des Alpes Cottiennes. Grand admirateur d’Annibal, il voulut reprendre à fond et par lui-même la question du passage de ce grand général. Les idées de Whitaker, de Deluc, de Letronne, du marquis de Fortia, venaient de ranimer la curiosité sur ce point. Un simple voyage ne lui suffit point pour rassembler les éléments d’une conviction, et trois fois encore il parcourut de point en point ces parages curieux et célèbres. Il n’en était qu’à sa seconde excursion quand une ordonnance, signée Corbière, prononça la dissolution de l’école normale ; il se trouva sans place avec un faible traitement provisoire. Il n’en suivit pas moins sa pensée. Sa persévérance fut enfin récompensée : l’aspect et la comparaison des lieux fixa définitivement son opinion, et, de retour à Paris, il s’occupa de rédiger un mémoire sur le problème si longtemps l’objet de ses investigations. Il venait à cette époque, après avoir été en vain présenté comme candidat à la chaire d’éloquence latine, laissée vacante par le décès de Delaplace, d’obtenir un mince emploi de sous-bibliothécaire de l’université. Probablement son mémoire eût amélioré sa position ; il était autorisé à en lire des extraits à l’Académie des inscriptions. et seulement un motif de délicatesse l’en empêchait : devant combattre une opinion énoncée par Letronne dans le Journal des savants, il différait la lecture pour ne point la faire en l’absence de ce redoutable antagoniste. Une maladie qu’avaient développée les fatigues de son quadruple voyage et l’excès de travail le força de s’aliter, et, après une agonie douloureuse, il ex-