Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 29.djvu/430

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MOT ensuite séparément deux petites comédies : celle de la Motte était intitulée la Malrone d’Éphèse ; celle de Boindin le Bal d’Aateuil. Enfin ils se réunirent de nouveau pour composer le Por : de ner, qui fut joué en 170t (1). Mais leur liaison ne dura pas longtemps, et depuis Boindin a indignement calomnié celui dont il n’avait eu qu’à se louer comme collaborateur et comme ami. La Motte donna encore le Talisman, Richard lliutolo, le Calendrier des vieillards, trois autres comédies en un acte, en prose, qui ne firent que paraitre et qui n’eurent qu’un succès médiocre. Mais le Jlagnffque, comédie en deux actes, est resté au théâtre. Llllniaal difeile, comédie en cinq actes, donnée aux Italiens, otl’re une intrigue intéressante : le dialogue en est spirituel et gai, et cette pièce, depuis longtemps oubliée, pourrait suivant nous être remise avec succès, surtout si un habile musicien refaisait la musique des intermèdes et des ballets qui terminent chaque acte. Ce sujet plaisait tant à la Motte qu’il le mit depuis en vers ; mais la pièce n’a jamais été jouée de cette manière et a plutôt perdu que gagné sous sa nouvelle forme. La Motte eut plus de succès dans la tragédie ; il en composa quatre, les âmacchabées, Ilomulue, 0Edipe et Inès de Castro. La première fut prodigieusement exaltée tant que l’auteur se tint dans le secret et singulièrement déprimée quand il se fut fait connaître ; la seconde n’eut de même qu’une fortune éphémère ; la troisième tomba ; la dernière eut un succès tel qu’on n’en avait pas vu de pareil depuis le Cid. Mais si le plan et a conduite de cette tragédie ont obtenu tous les suiïrages, le style a été justement critiqué. Nonseulement la versiücation en est faible et dure, mais les sentiments ne sont qu’ellleurés ; l’auteur est constamment resté au-dessous des scènes qu’il a si habilement amenées ; les sentences ne sont quïndiquées, et la passion s’exprime sans chaleur et sans force. La facilité de à Motte et les succès qu’il obtenait au théâtre lui faisaient illusion sur la nature de son génie, qu’il croyait propre à tout. Il s’essaya dans tous les genres de composition. Il composa des odes, dont quelques-unes, publiées séparément, lui attirèrent es louanges ; mais, lorsqu’il en forma un recueil, on trouva qu’elles abondaient en pensées justes, morales et souvent ingénieuses et fines, et même quelquefois profondes, mais qu’elles étaient dépourvues de poésie et d’imagination : la l’ro’deur de sa composition y est d’autant plus sensibxe qu’elles sont remplies de formules usées, d’un enthousiasme factice. Ces critiques ne frappent point sur ses Ode : ameréoiuiquei, qui sont écrites avec grâce et facilité, et dont les idées sont ingénieuses. Mais de toutes les tentatives de la Motte, sans contredit la plus présomptueuse et lll Voyea la Via de Boindin par lui-même (Olsen : de Boindin, t. l•’, p. lllll, pour reeuner les Idnoirea de Trublet., p.310,

XXIX. «I·«u.n.a.m».·ua.·.«...’......<...·.. na, .....


MOT H5 la plus bizarre, ce fut celle de traduire l’Ili¤ds sans savoir un mot de grec et d’abréger cepoème dans le dessein de l’améliorer. « D’un corps brillant de tout l’éclat de la jeunesse et de la santé, il fit, dit Voltaire, un squelette déchamé. » Cet abrégé rimé eut été plus promptement oublié encore que ses odes (qui offrent du moins quelquefois de très-belles strophes}, s’il n’avait fait précéder cette Iliade d’un discours écrit avec beaucoup d’esprit, d’adresse et d’élégance, dans lequel i prétendit prouver que l’admiration pour les anciens, et surtout pour llomére, est un préjugé des modernes, et où il relève et exagère beaucoup les défauts du prince des poëtes. Madame Dacier réfuta ce discours par son Traité des causes de la corruption du goût. lille avait raison pour le fond, mais toujours tort par la forme, et elle mit dans sa réponse autant de pédantisme que d’àcreté. La Motte répliqua avec politesse et modération par ses liéjlexiou sur la critique. Cet écrit est excellent ; on en peut dire autant de ses Discours surl’ode. sur la tragédie, sur l’églogue, sur la fable, aux paradoxes près. En général, le style de la Motte en prose peut être présenté comme un modèle ; su diction est constamment élégante et pure, pleine de douceur et d’harmonie ; il a un grand nombre de pensées neuves, de réflexions judicieuses, fines et instructives, exprimées d’une manière brillante ; son coloris est vif, son ton varié ; il discute avec clarté, avec méthode et de bonne foi, mais avec trop de subtilité : il est facile de sentir quand il a tort, mais difficile de le réfuter ; car il donne prise par ce qu’il omet de dire plutôt que par ce qu’il dit. Comment démontrer ce qui est sublime et touchants celui qui reste froid en présence des plus belles créations du génie ? Les Ré/ferions sur la critique firent beaucoup de bruit parmi les gens de lettres, et occasionnèrent plusieurs écrits pour et contre. La dispute s’£chaulïa tellement ¢âu’on en joua les auteurs sur plusieurs théâtres e Paris. Valincourt rapprocha enfin les partis ennemis ; il leur fit signer la paix. Fénelon, que la Motte avait pris pour juge dans cette dis ute et dont il a publié les lettres, se montra l’interprète du goût et de la raison, comme il le fut en tant d’occasions de la vertu et de la religion. « Je crois, disait-il, que les hommes de tous les siècles ont en à peu près le même fond d’esprit et les mêmes talents ; mais je pense que es Siciliens, par exemple, sont plus propres à être poëtes que les Lapons. De pus, il y a eu des pays où les mœurs, la forme du gouvernement et les études ont été plus convenables que celles des autres pays pour faciliter les progrès de la poésie ; par exemple, les mœurs des Grecs formaient bien mieux des poëtes que celles des Cimbres et des Teutons. Les anciens ont évité l’écueil du bel esprit, où les Italiens modernes sont tombés et dont la contagion s’est fait un peu sentir à Iii