Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part des plus actives à l’important ouvrage mis au jour sous les auspices de l’État, et connu sous le nom d’Exploration scientifique de l’Algérie, il y inséra entre autres travaux la traduction d’une Histoire de l’Afrique écrite en arabe. Les Annales algériennes, 1836-1839, 3 vol. in-8o, offrent sur les nouveaux territoires annexés à la France une masse de renseignements importants ; une seconde édition, publiée en 1854, présente la continuation des événements survenus dans l’Afrique française jusqu’au commencement de 1838, époque de la capture d’Abd-el-Kader. La Description de la régence de Tunis, 1853, in-8o, est un livre précieux pour la connaissance d’une contrée qui présentait encore bien des lacunes dans les meilleurs ouvrages de géographie. Z.


PELLISSON-FONTAINIER (Paul), de l’Académie française, naquit à Béziers en 1624, d’une famille qui professait les principes de la réforme et se distinguait dans la robe. Sa mère, très-attachée au protestantisme et douée d’un esprit cultivé, lui communiqua de bonne heure et ses sentiments religieux et son goût pour les lettres. Pellisson reconnaissant joignit le nom de cette tendre institutrice à celui de son père. Nourri des plus belles productions de la littérature grecque, latine, espagnole, et du petit nombre d’ouvrages dont s’honorait jusqu’alors la langue française, il tourna son ambition vers la magistrature. La route lui était tracée par les exemples de ses ancêtres. Son bisaïeul, Raimond Pellisson, avait été ambassadeur en Portugal l’an 1536, et était mort premier président du sénat de Chambéry. Pierre, son aïeul, initié en Allemagne aux dogmes de la réforme, et attaché au conseil de Henri IV, encore simple roi de Navarre, avait été nommé par ce prince membre de la chambre de l’édit à Castres, où les protestants siégeaient en nombre égal à côté des juges catholiques [1]. Son père, Jean-Jacques Pellisson, était conseiller en cette même chambre de l’édit, et on lui devait un estimable abrégé des arrêts de Maynard [2]. Le jeune Paul, assis à peine depuis quelques mois sur les bancs de l’école de droit de Toulouse, voulut écrire aussi sur la jurisprudence ; il publia en 1645 une paraphrase latine du premier livre des Institutes, laquelle ne se ressentait point de la rapidité d’une étude qu’on devait croire nécessairement superficielle. Il commençait à justifier au barreau de Castres les espérances qu’il avait fait concevoir, lorsque la petite vérole le rendit méconnaissable à ses amis eux-mêmes, et le força de se retirer à la campagne pour rétablir une constitution ébranlée. Pellisson avait pour compagnon de sa retraite un rêveur dauphinois nommé Villebressieux ; et il traduisit plusieurs chants de l’odyssée pour complaire à ce bonhomme, qui s’attendait à y trouver quelques données sur la pierre philosophale. Les lettres lui étaient devenues plus chères ; il prit la résolution de se fixer à Paris, où déjà quelques voyages l’avaient mis en liaison avec plusieurs gens de lettres accoutumés à se réunir chez Conrard, secrétaire de l’Académie française, son coreligionnaire et son ami. Une relation qu’il publia sur l’établissement de l’Académie et sur ses premiers travaux fut accueillie avec une faveur extraordinaire par cette compagnie au berceau. Dans l’impossibilité où il se voyait d’admettre son panégyriste parmi ses membres dont le corps était limité, ce corps savant le déclara surnuméraire ; et, mettant a l’écart toute concurrence, le désigna pour la première place qui viendrait à vaquer. Pellisson ne fut pas moins heureux dans les sociétés particulières, où il acquit une foule d’amis. La plus intime de ces liaisons fut celle qu’il contracta avec mademoiselle de Scudéri. Leur commerce n’excita point les soupçons de la médisance : l’amitié ne pouvait s’égarer auprès de mademoiselle de Scudéri, privée des agréments de son sexe ; et de son côté, Pestisson, suivant l’expression de Guilleragues, répétée par madame de Sévigné, abusait de la permission qu’ont les hommes d’être laids. Il figura, sous les noms d’Acante et d’Herminius, dans les romans de son amie. Cependant Pellisson ne négligeait point sa fortune ; il avait acheté une charge de secrétaire du roi et fait preuve d’une grande aptitude pour les affaires. Fouquet le choisit pour son premier commis, se reposa sur lui en grande partie du fardeau des finances, et lui fit délivrer en 1660 des lettres de conseiller d’État. L’année suivante on fit le procès au surintendant ; Pellisson fut enveloppé dans sa disgrâce. Fidèle au ministre déchu, il ne trahit point sa confiance. Enfermé à la Bastille, il oppose une fermeté inébranlable à toutes les tentatives employées pour lui arracher les secrets dont on le croyait dépositaire ; et il sortit de tous ses interrogatoires sans avoir donné prise à l’accusation. À l’une des séances où il fut confronté avec Fouquet, il lui communiqua la sécurité sans laquelle celui-ci risquait de se perdre : « Monsieur, lui dit-il, si vous ne saviez pas que les papiers qui attestent le fait dont ou vous charge sont brûlés, vous ne le nieriez point avec tant d’assurance. » Fouquet, averti par là que des pièces redoutables pour lui avaient été soustraites, tint ferme et ne put être convaincu. Pellisson était encore pour le sur-

  1. Il passait, suivant Borel, pour le meilleur joueur d’échecs de son temps. On le croit auteur du Mémoire et recueil de l’origine, alliance et succession de la royale famille de Bourbon, etc., la Rochelle, 1587, in-8º, que d’autres attribuent à P. de Belloy, avocat général au parlement de Toulouse.
  2. On trouve d’amples détails sur cette famille dans le Trésor des recherches de P. Borel, au mot Glouper. « J’en dirais davantage, ajoute-t-il, si Jean Posselius n’avait fait un livre des louanges de Raimond Pellisson et de la ville de Chambéry, imprimé à Lyon, chez Gryphius. « C’est par faute d’impression que, dans l’édition de Borel donnée en 1750 par Jault (à la suite du Menage, in-fol.), on lit, page 109, Jean Pellisson au lieu de Jean Posselius. Le livre de ce dernier, intitulé Oratio da Reimondi Pellisonis ac urbis Camberii laudibus, Lugd. apud Gryph., est cité par Draud. dans sa Bibl. classica, imprimée en 1625 (p. 1291), mais il n’en indique pas la date ni le format.