Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 32.djvu/561

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Bretagne pour apaiser la révolte des légions. Malgré sa fermeté, Pertinax ne put rétablir la discipline dans des corps habitués à toutes sortes de désordres. Ayant demandé son rappel, il passa en Afrique avec le titre de proconsul. À son retour, il fut désigné une seconde fois consul et nommé préfet de Rome. Commode ayant été étranglé par les complices de ses crimes (voy. Commode), les conjurés vinrent dans la nuit trouver Pertinax et l’obligèrent à se laisser conduire au camp des prétoriens, où il fut salué empereur. Son élection fut confirmée par le sénat, qui lui décerna le même jour le titre de père de la patrie. Pertinax repoussa les honneurs que la flatterie offrait à Titiana, sa femme, et il s’opposa à ce que son fils fût créé césar, disant : «Je n’y consentirai que quand il en sera digne. » Il déclara qu’il prendrait les Antonins pour modèles, promit que personne ne serait recherché pour crime de lèse-majesté, rappela les bannis et réhabilita la mémoire de ceux qui avaient été condamnés sous ce prétexte pendant le dernier règne. Il flétrit les délateurs et priva de leur emploi ceux qui avaient favorisé les désordres ou qui s’en étaient rendus complices. Il publia une loi sur les testaments et déclara qu’il n’accepterait aucun legs au préjudice des héritiers légitimes. Il obligea les affranchis de Commode à verser au trésor les sommes qu’ils avaient extorquées, fit vendre les meubles de ce prince pour payer les dettes de l’État et apporta une telle économie dans les dépenses, qu’il crut pouvoir diminuer les impôts. En annonçant le projet de réformer les abus, Pertinax se fit un grand nombre d’ennemis : il souleva les prétoriens en rétablissant l’ancienne discipline ; et des conspirations ourdies par ses propres gardes menacèrent bientôt les jours d’un prince qui rappelait Marc-Aurèle aux Romains. Il n’en poursuivait pas moins l’exécution des plans qu’il avait conçus pour le bonheur public, quand les prétoriens, excités secrètement, se rendent au palais et y pénètrent en tumulte. Pertinax va au-devant des révoltés et leur parle avec tant de fermeté et de douceur qu’íls se disposaient à se retirer : mais, au même instant. ce prince est frappé d’un coup de lance a la poitrine[1] ; il enveloppe sa tète de son manteau et tombe en priant les dieux de ne point laisser cet attentat impuni : aussitôt les prétoriens furieux le percent de leurs épées et lui coupent la tête le 18 mars 193. Il était âgé de près de 67 ans et n’avait régné que quatre vingt-sept jours. Capitolin lui reproche de mauvaises mœurs et une avarice sordide. Dion et Hérodien, auteurs contemporains, ne lui donnent que des éloges. La mémoire de Pertinax resta chère aux Romains, et, s’ils ne purent faire entendre leurs voix sous le règne éphémère et sanglant de Didius Julianus (voy. Didius), ils ne tardèrent pas pourtant à réclamer en sa faveur les honneurs de l’apothéose (voy. Sept. Sévère). Titiana, fille du sénateur Sulpitianus et femme de Pertinax, acheva dans l’obscurité une vie pleine de scandale. — Helvius Pertinax, son fils, fut tué l’an 216 par l’ordre de Caracalla pour s’être permis de dire que, parmi les surnoms glorieux décernés à ce prince, on avait oublié celui de Gétique, qu’il avait si bien mérité par le meurtre de Géta, son frère (voy. Géta). On a des médailles de Pertinax en toutes sortes de métaux ; mais elles sont très-rares, à cause de la brièveté de son règne. (Voyez l’Éloge historique de cet empereur par le comte Bava de St-Paul dans les Piemontesi illutri, t. 1, p. 3.)

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PERTUSATI (le comte François), auteur de divers écrits religieux, fut, dans ces derniers temps, parmi les nobles italiens, l’un de ceux qui montrèrent le plus d’attachement aux principes religieux et monarchiques. Il naquit il Milan le 9 mai 1761, fils d’un sénateur de cette ville. Élevé chez les jésuites, il se montra dès sa plus tendre jeunesse animé de la plus fervente piété. On crut d’abord qu’il entrerait dans la société ; mais il la quitta quand il eut terminé ses études, lui restant néanmoins toujours fort attaché. Il se maria en 1772. Alors l’éducation de ses enfants, quelques travaux littéraires et surtout des œuvres de charité remplirent honorablement sa vie. Il dirigea longtemps, à Milan, l’établissement formé par l’abbé Palozi pour la propagation des livres de morale et de piété, lorsque les Français envahirent l’Italie en 1796, le comte Pertusati fut arrêté à Milan et conduit à Pavie, puis à Nice, où il subit un exil de plusieurs mois. Obligé de fuir en 1799 pour éviter de nouvelles persécutions, il se réfugie à Padoue, puis à Venise, d’où il ne put venir que beaucoup plus tard à Milan. Conservant toujours ses opinions, il fut sévèrement surveillé. On conçoit que, dans sa position, il vit avec joie les Autrichiens rentrer dans la Lombardie en 1814 et qu’il accueillit avec plus de joie encore le rétablissement de la compagnie de Jésus dans cette contrée. Il mourut subitement à Milan le 22 mai 1823. On trouve dans les Mémoires de religion, de morale et de littérature publiés à Modène par l’abbé Beraldi, une notice biographique sur le comte Pertusati, contenant la liste de ses ouvrages, qui sont très-nombreux et tous traduits du français en italien. Nous ne citerons que les suivants : 1° La Consolation du chrétien, par le P. Boissard ; 2° Lettres de la duchesse de la Valliêre ; 3° Lettres du P. Gourdon sur la constitution Unigenitus ; 4° Circonstances de la mort de Voltaire ; 5° École de la parfaite morale ; 6° Entretiens de l’âme avec Dieu ; 7° le Chrétien en retraite ; 8° le Retour du cœur humain à Dieu ; 9° Pensées chrétiennes, par l’abbé Champion ; 10° le Mentor des enfants, par l’abbé Beyre ; 11° la Vérité défendue et prouvée par des faits contre les calomnies anciennes et nouvelles, Reggio, 1819. C’est une

  1. L’histoire a conservé le nom du prétorien qui frappa le premier Pertinax ; il se nommait Tauris, et il était originaire de la seconde Germanie.