Page:Michaud - Biographie universelle ancienne et moderne - 1843 - Tome 4.djvu/266

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Histoire ecclésiastique, qu’il excita alors les gens de toute qualité, professant l’Évangile, à soutenir la cause des pauvres oppressés, par tous les moyens à eux possibles. Cette doctrine de la résistance à l’oppression par tous les moyens, cette ardeur de prêcher la guerre à tous ceux qui professaient l’Évangile, qui est une loi de paix, ne s’accordaient guère avec le véritable esprit de la religion ; mais on aurait tort de regarder les guerres de cette époque comme ayant eu pour cause unique, ou même principale, le besoin qu’eurent les réformés de se défendre, ou le désir qu’avaient leurs ministres d’étendre leur nouvelle religion. Il faut se souvenir que tous les bons esprits d’alors convenaient qu’il y avait là plus de mal contentement que de huguenote rie. Il serait donc injuste de considérer Bèze et les autres prédicateurs ou écrivains de son parti comme les artisans de nos discordes. Il est beaucoup plus probable que, même sans l’influence de leurs conseils et sans aucun motif tiré de la religion, la rivalité des Guises et des princes du sang aurait produit à peu près les mêmes résultats. Ainsi, sans disculper Bèze d’avoir pris à nos troubles plus de part qu’il ne convenait à un ministre de l’Évangile, on peut affirmer qu’il n’en fut point une des causes principales. Ce même Poltrot, qui avait accusé Théodore de Bèze, accusa aussi l’amiral de Coligni, dont la renommée n’en a reçu aucune atteinte. Son témoignage ne mérite donc aucune foi, et il n’est rendu probable par aucune circonstance. Aussi, quoique répété par les ennemis de Théodore de Bèze, ce reproche ne parait avoir obtenu aucune créance parmi ses contemporains. Son caractère s’était fort adouci dans ses dernières années ; et lorsqu’il eut le bonheur de voir Henri IV, en 1599, dans un village de Savoie, près de Genève, ce prince lui ayant demandé ce qu’il pouvait faire pour lui, Bèze n’exprima qu’un seul vœu, celui de voir la France entièrement pacifiée. Son testament respire partout le même sentiment, mêlé au souvenir et au regret de ses fautes. Bèze fut un écrivain élégant et un littérateur très-savant. Sa longue vie et l’enthousiasme qu’il inspira à ses partisans le firent appeler le Phénix de son siècle. Comme théologien, controversiste, et, dans plusieurs occasions, comme négociateur, il montra beaucoup d’art et un dévouement sans bornes à son parti. Ses écrits nombreux sont presque oubliés, et l’on ne chante même plus dans les églises réformées sa traduction en vers français des Psaumes de David, qui avait été commencée par Marot ; mais son meilleur titre à la gloire, celui qui doit lui assurer la reconnaissance de tous les amis des lettres et des sciences, c’est l’heureuse direction qu’il a donnée, pendant quarante ans, à toutes les études, dans l’académie de Genève, dont il fut, comme on l’a vu, le premier recteur en 1559. Le malheur des temps ayant obligé le conseil de Genève de supprimer deux chaires de professeurs, dont on ne pouvait payer le traitement, Bèze, âgé de plus de soixante-dix ans, et sans négliger aucun de ses autres travaux, suppléa les professeurs supprimés, et donna des leçons pendant plus de deux années. Quand on songe au nombre d’hommes illustres ou utiles que l’académie de Genève a produits pendant les deux derniers siècles, et à la renommée qu’ont procurée à cette petite cité ses institutions, ses lumières, et les succès de l’enseignement qu’on y reçoit, on ne peut se défendre d’un sentiment vif d’estime et de reconnaissance pour Théodore de Bèze. Il fut le véritable fondateur de cette académie, lui donna des règlements, et légua à ses successeurs la tradition et les exemples dont l’utilité se fait encore sentir. Si l’on considère Théodore de Bèze sous ce point de vue, on sera plus disposé à lui pardonner les torts de sa jeunesse et ceux de l’esprit de parti. On lira avec plaisir l’article que Bayle lui a consacré dans son Dictionnaire : il est en partie tiré de sa vie, écrite en latin par Ant. de la Faye. Noël Taillepied, Bolsec et un docteur de Sorbonne nommé Laingé ou Laingeus, ont aussi écrit la vie de ce réformateur. Le nombre de ses ouvrages est si grand que nous croyons devoir nous contenter d’en indiquer les principaux : 1° Poemata juvenilia, Paris, Conrad Badius, 1548, petit in-8°, ad insigne Capitis mortui, sans date, in-16[1]. Les éditions de 1569, in-8°, 1576, in-8°, et 4597, in-4°, ne contiennent qu'une partie des Juvenilia. On en a retranché toutes les poésies érotiques et licencieuses. L’édition de 1597 a été réimprimée à Genève cn 1599, in-16. On y a joint la traduction en vers du Cantique des cantiques. Les Juvenilia de Bèze ont été réimprimés avec les poésies de Muret et de Jean Second, sous le titre d’Amœnitates poeticæ, Paris, Barbou, 1757, in-12 ; et augmentées des Juvenilia de Joachim du Bellay et de la Pancharis de Bonnefons, Leyde (Paris, Barbou), 1799, in-12. 2° Tragédie française du Sacrifice d'Abraham, Lausanne, 1550, in-&; Paris, 1553, in-8°; Middelbourg, 1704, in-8°, et à la suite des Juvenilia, dans l'édition de 1576. Il y en a plusieurs autres éditions. Cette pièce, écrite en vers français, n'est pas faite pour donner une haute opinion du talent de Bèze pour la poésie française ; elle a été traduite en latin sous le titre de: Abraham sacrificans. 3° Confessio christianæ fidei, cum papisticis, hœresibus, ex typ. J. Bonæfidei, Genève, 1560 et 1595, in-8°. 4 De Haæreticis a civili magistratu puniendis; sub Oliva Rob. Stephani, 1554, in-8°, édition originale, traduite en français par Nicolas Colladon, sous le titre de Traité de l'autorité du magistrat en la punition des hérétiques, Genève, 1560, in-8°. Cette traduction est plus recherchée que l'original. 5° Comédie du Pape malade par Thrasibule Phénice, Genève, 1561, in-8°; 1584, in-16. On en trouve un extrait dans la Bibliothèque du Théâtre-Français par la Vallière. 7° Traduction en vers français des Psaumes omis par Marot, Lyon, J. de Tournes, 1563, in-4°; réimprimée un grand nombre de fois, avec la traduction de Marot, dans les livres à l'usage de l'É-


  1. On réunit quelquefois à cette édition les Epicidia, recueil de vers hébreux, grecs et latins, composés en l’honneur de Théodore de Béze, Genève, Chouet, 4606, in-4°. Cs—s.